Pour moins de 30 euros par an, l’Âge d’or de la télévision française débarque chez vous et c’est drôlement chouette!
Que fait le ministère de la Santé ? Aucun logo avertissant les éventuelles addictions ! Aucune recommandation pour en limiter l’accès et l’usage. Aucun point presse avec sa cohorte de spécialistes des maladies infectieuses et de hauts-fonctionnaires au visage de pierre tombale. Pas même une allocution gouvernementale et ses graphiques catastrophistes.
Contaminé
Moi, je suis tombé dedans, cet été. En pleine chaleur, par hasard, je me suis inscrit sur le site Ina Madelen ; comme ça, par faiblesse, par naïveté, par manque de volonté. J’aurais pu m’adonner au sport collectif, à l’apéritif anisé, voire même dans un moment de désœuvrement total, me présenter à une université d’un parti politique avec l’idée saugrenue de changer le monde, j’ai choisi la nostalgie. Une « drogue » dure aux effets prolongés. Après ma première nuit à visionner des dizaines d’émissions, je ne voulais plus revenir dans le présent. Je refusais la réalité, l’inflation, les rentrées scolaires sans cantines et sans bus, les habits religieux et la bassesse intellectuelle. J’étais contaminé. Je baignais des heures durant dans un univers parallèle où les écrivains avaient de la répartie et du cran ; les dramatiques, une patine émouvante ; les rues, une vérité de pavés exempte d’imbroglios circulatoires ; et où le moindre micro-trottoir donnait lieu à un spectacle beau et fascinant. Le quidam interrogé au débotté par la télévision française s’exprimait dans un français correct, presque classique alors qu’il n’avait le plus souvent qu’un certificat d’études en poche, il n’était pas affecté de spasmes progressistes, tics du langage et autres postures bêlantes de surdiplômés. Cette France-là m’était étrangère. J’avais envie de la visiter, de l’habiter même. A vrai dire, je m’étais d’abord plongé dans l’Ina Madelen avec des précautions de philatéliste. Par confort intellectuel, j’avais écumé les programmes balisés de mes idoles disparues. Vous connaissez ici mon tropisme Carmetésien et non carmélite. Tout ce qui a trait à l’acteur natif de Bourgueil, Jean Carmet, m’est essentiel. J’oserais dire fondateur. J’aime sa faconde d’ornementeur et sa voix de chanoine rieur.
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Puis, j’avais continué sur mes terres d’élection vagabondes, par scruter toutes les apparitions de Kléber Haedens, de l’ami Roland Jaccard, évidemment celles de Pierre Mondy et de Daniel Ceccaldi, faisant un détour affectueux chez Claire Bretécher et Christine de Rivoyre pour célébrer ces deux dames d’esprit, en m’attardant ensuite longuement du côté de Nino Ferrer et de François Cevert, sans oublier une halte persifleuse chez Boudard qui fut certainement l’écrivain-ex-taulard le plus invité des plateaux et un prodigieux historien des Apaches aux barricades de la Libération de Paris.
Des raretés
J’étais en jambes, prêt à affronter des raretés, ces trésors cachés qui nous semblent aujourd’hui inatteignables, par leur grâce et leur écho sentimental, tant leur construction, leur jeu, leur lenteur, semblent dépourvus de morgue et de trucs qui brouillent désormais nos téléviseurs. Pour tout vous avouer, j’alternais vieilles connaissances et découvertes guidées par les sauts de mouton de ma souris. De 1982, j’avais retenu la série « Paris Saint-Lazare » tournée sur les rails entre le Val d’Argenteuil et la gare, réalisée par Marco Pico, avec de jeunes comédiens, Bruel, Cluzet, Pascale Rocard et l’inestimable Christine Dejoux. Ces six épisodes couleur bitume, à l’âpreté banlieusarde, au quotidien banal et si juste, sans graisse, ni faux idéaux, demeurent un témoignage sociologique unique. Et puis, il y a la présence de Jean Bouise, cette bonté d’ancien régime qui frémit dans sa moustache, sa carcasse altière nous serre le cœur à chaque fois qu’il traverse l’écran. Je ne résistais pas au plaisir de revoir « Les Roses de Dublin » de Lazare Iglesis (1981) et capter le visage de l’énigmatique Berenice Toolan sur une musique subliminale de Vladimir Cosma. Jean-Claude Bouillon interprétait le rôle de Chris Bardol, reporter sportif en balade irlandaise. La même année, Jacques Charrier s’appelait Vincent Navailles dans « Salut Champion », deux saisons où il incarnait là aussi un journaliste qui suivait de grands événements sportifs mêlant fiction et images d’actualité. On voyageait du Bandama, un rallye en Côte d’Ivoire aux Jeux Méditerranéens à Split, du Tour de France avec les conseils de l’ancien pistard André Pousse aux allées de Roland-Garros en 1980. Entre « Stade 2 » et « Marc et Sophie », Chantal Nobel imposait son caractère et sa silhouette de professeur d’éducation physique. Du sport, il en était question dans Apostrophes de 1976 : « Le sport est-il l’opium du peuple ? ». On y parla de la finale de Glasgow et Louis Nucéra évoqua le roi René (Vietto).
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Quand vous vous lancez dans les « Apostrophes », il est bien difficile de s’arrêter. J’ai revu mon polardeux « Qui a tué ? » de 1979 avec Boileau-Narcejac, A.D.G (superbe de réaction et de provocation dans Droit de Réponse), Manchette et Léo Malet en vedette. Comment ne pas faire un salut amical à Henri Vincenot qui creva l’écran en 1977 et dont la fille Claudine écrivit un joli livre « Le Maître du bonheur » (Livre de Poche numéro 14095) ? Désolé de vous abandonner en pleine chronique mais j’ai encore tant à voir. Ferreri chez Polac, Jacques Laurent chez Pivot, Anicée Alvina dans Les quatre cents Coups de Virginie, Charles Vanel en Thomas Guérin… retraité, etc.
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