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Assa Traoré refuse de changer de disque

La sœur d’Adama, qui ne rassemble plus les foules, refuse de passer à autre chose


Assa Traoré refuse de changer de disque
Assa Traoré, Paris, 5 septembre 2023 D.R.

La fondatrice du comité « Vérité et justice », Assa Traoré, tenait un rassemblement hier soir à Paris pour protester contre le non lieu qui vient d’être prononcé dans l’affaire de la mort de son frère Adama, survenue il y a déjà sept ans suite à un malaise cardiaque dans une gendarmerie. Malgré des signes d’essoufflement, les militants qui l’entourent, persuadés que le jeune homme a été victime du racisme des forces de l’ordre, entendent visiblement continuer le combat judiciaire. Causeur est allé écouter leurs rengaines.


Si l’on peut évidemment toujours comprendre la douleur d’une sœur, après la perte d’un frère mort trop jeune, la presse française a en réalité déjà beaucoup pleuré sur le triste sort d’Adama Traoré. Et, après le non-lieu prononcé vendredi dernier par la justice, l’avocat des gendarmes, Me Rodolphe Bosselut, a bien rappelé le calvaire de ses clients dans cette affaire. Depuis sept ans, une bonne partie des médias, les partis de gauche et Assa Traoré leur ont, sans preuves, imputé la mort du jeune homme. « C’est un dossier complètement fou, parce que sur une base inexistante, on a construit un dossier qu’on voulait être la référence du racisme prétendu systémique des forces de sécurité intérieure ! » Pourtant, la partie adverse fait appel.

Gare au coup de chaleur

La chaleur est étouffante sur la place de la République, mardi 5 septembre, en fin d’après-midi. Les militants se sont donné rendez-vous pour 18 heures. Arrivé en avance, on peut apercevoir des drapeaux rouge et vert du NPA qui attendent d’être sortis des sacs… Les militants discutent ou se cherchent quand, à 18h04, on aperçoit au loin une coiffure afro : c’est Assa Traoré qui fait son apparition. Lunettes de soleil sur le nez, chaussures Nike aux pieds et sac banane noire de la même marque autour de la taille, l’égérie de Louboutin, de Time Magazine ou de M le magazine du Monde est entourée de ses habituels grognards: le petit frère d’Adama, Youssouf, le militant Almany Kanouté, et un des piliers de son comité « Justice pour Adama », Youcef Brakni. C’est ce dernier qui donne l’impression de mener la danse, et qui pointe du doigt la statue de Marianne lorsqu’ils débarquent sur la place. Aussitôt, le petit groupe se déplace pour se placer en hauteur, au pied du monument. Assa Traoré est debout et elle attend pendant 15 bonnes minutes en regardant par terre ou au loin. Cherche-t-elle l’inspiration pour son discours ? un nouveau souffle ? Comme il faut cependant garder l’attention des personnes déjà présentes, elle adresse par moments clins d’œil ou larges sourires à ceux qu’elle reconnaît, et chuchote aux voisins qui l’entourent… Pas plus de 300 personnes, journalistes compris, ont fait le déplacement. Sans grande surprise, on peut apercevoir dans l’assistance le militant franco-algérien Taha Bouhafs, ou la conseillère de Paris écolo et LGBT Alice Coffin. Selon Valeurs actuelles, Eric Piolle était discrètement présent – nous ne l’avons pas vu.

A relire: [Rediffusion] La vérité sur l’affaire Adama Traoré

A 18h22, Youcef Brakni, remercie « Révolution permanente », l’organisation politique trotskiste, qui a prêté son mégaphone. Des militants du NPA et de la Fédération des jeunes révolutionnaires sont là, et on aperçoit aussi une affiche en soutien aux Soulèvements de la terre. Mais les députés Nupes manquent à l’appel. Pas d’Éric Coquerel, pas de Louis Boyard, pas de Sandrine Rousseau cette fois ! « On n’est pas d’accord avec le tribunal ! On n’est pas d’accord ! », se met à crier un homme torse-nu, juste à côté d’Assa Traoré avant le discours. L’homme semble avoir échappé à la vigilance des gardes du corps, qui l’éloignent aussitôt. Héo, c’est pas toi la vedette, coco ! Une mystérieuse femme en casquette blanche vient ensuite embrasser Assa Traoré. Elle arbore un t-shirt « Justice pour Nahel ». Après s’être offert un peu d’air frais avec un éventail, Assa Traoré prend enfin la parole.

Et ça continue encore et encore…

« Aujourd’hui on prend la parole pour parler de ce non-lieu. Mais on la prend aussi pour dire qu’on ne peut pas laisser notre pays la France à la chute, entre les mains de personnes devant décider qui va vivre et qui va mourir », démarre-t-elle. « Ce combat touche tous les autres. Et ils viendront s’attaquer à tous les autres combats. Pour que personne ne puisse avoir une justice ! » s’inquiète-t-elle. Parle-t-elle alors des autres morts survenues lors d’interventions de la police ? Ou parle-t-elle de toutes les autres causes qui tiennent à cœur des militants d’extrême gauche ? Puis, la sœur d’Adama – qui vient donc de confirmer qu’elle est une militante intersectionnelle – rappelle sa version très particulière des faits : « Adama Traoré, comme n’importe quelle personne, voulait juste faire un tour de vélo ! » Interprétation étonnante : il semblait pourtant avoir été établi qu’il fuyait un contrôle de police. « La seule chose qu’ils n’ont pas programmée, c’est qu’on va se battre et on n’est pas prêt de nous arrêter. On ne s’arrêtera pas en septembre 2023. On va continuer le combat jusqu’au bout ! » Les personnes autour de la statue, galvanisées, applaudissent.

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« On a fait subir un placage ventral à mon frère, parce qu’il était noir, et grand. Notre couleur de peau est devenue un crime ! » Le combat continue, en effet, mais le comité Adama nous ressert un refrain qui n’a pas du tout convaincu les tribunaux : l’accusation en racisme n’a jamais pu être étayée. « La justice fait ce qu’elle veut, on a mis à nu le système français. Tous les éléments sont là pour aller en procès », veut croire Assa Traoré.

En plein Covid, ils étaient des milliers de gauchistes et de jeunes banlieusards, à s’agiter à la porte de Clichy et jusque sur le boulevard périphérique, lors de la manifestation interdite de juin 2020. On se souvient qu’alors Christopher Castaner, ministre de l’Intérieur d’Emmanuel Macron, estimait que pour Floyd et Traoré, l’émotion dépassait les règles juridiques – et ce malgré le fameux et honteux « J’accuse » de 2019, pour lequel Assa Traoré a été poursuivie en diffamation, où étaient amalgamés dans une sorte de complot médecins, procureurs et juges d’instruction… La manifestation d’hier soir n’était pas interdite, mais elle a plutôt fait un flop.



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