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Embobinage sur mesure!

Le billet de Sophie de Menthon


Embobinage sur mesure!
Sophie de Menthon Photo: D.R.

À partir d’octobre, le nouveau bonus réparation textile va prendre la forme d’une remise sur la facture lorsque le consommateur choisira de faire réparer un vêtement ou une paire de chaussures abimés. Mais qui va rapiécer les dépenses publiques ? se lamente notre chroniqueuse.


Jugez un peu le texte qui suit, promulgué officiellement par le gouvernement à l’initiative de Bérengère Couillard, notre Secrétaire d’Etat au tricot chargé de l’écologie. Son objet : le bonus versé aux Français pour donner une seconde vie à leurs vêtements et chaussures. Voici le contenu intégral …

 « Prévu par la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire du 10 février 2020, dite loi Agec, ce bonus s’inscrit dans une vaste réforme de la filière textile. Tous les vêtements et chaussures (excepté les sous-vêtements et le linge de maison dans un premier temps), seront éligibles au bonus réparation. Il devra s’agir de réparation et non de retouches.

Pour bénéficier du bonus de l’État, il faudra se rendre chez les couturiers et cordonniers ayant demandés à être labellisés par l’éco-organisme Refashion. La remise sera directement appliquée sur la facture de la réparation.  Les réparateurs labélisés déclarent, sur la plateforme, au fil du mois, les factures des réparations éligibles. Au 30 de chaque mois, la plateforme de déclaration déclenche de manière automatique l’ordre de virement pour toutes les factures que le réparateur aura renseignées sur le mois. Le montant de la prise en charge est compris entre 6 et 25 € en fonction de la réparation.

Depuis juin 2023 : ouverture de la labélisation. (La labélisation est gratuite.)

À partir d’octobre 2023 : Connection à la plateforme Refashion pour déclarer le bonus réparation après validation du dossier. 

Toutes les entreprises proposant un service de réparation de textile et/ou de chaussures peuvent se faire labelliser. Pour l’heure, elles sont 250 à avoir déposé un dossier. Le gouvernement vise un objectif de 500 artisans, réseaux de franchisés ou assimilés, réparateurs à domicile, acteurs digitaux et ateliers de réparation des marques labellisés d’ici la mi-octobre pour mettre en place le bonus. Le bonus réparation du secteur textile sera financé par un fonds doté de 154 millions d’euros sur la période 2023-2028, a indiqué la secrétaire d’État pour accroître de 35% le nombre de produits textiles et chaussures réparés. La réforme s’appuie notamment sur le milliard d’euros d’éco contributions des producteurs, importateurs et distributeurs qui devraient être dégagé sur la période 2023-2028 en vertu du principe du « pollueur-payeur ».

Les questions de Sophie de Menthon

Cela mérite bien quelques commentaires cousus de fil blanc :

D’abord, la dénomination « Refashion » : bravo pour l’anglicisme, ni français ni anglais, juste un barbarisme. Qu’est-ce que la refashion ? il faudra penser à le demander à la Ministre de la Transition Écologique.

Un peu d’économie basique : le secteur du prêt-à-porter va mal, et justement pour y remédier, on dissuade les gens d’acheter, un peu sur le principe de la décroissance ? Sachant que les enseignes suivantes viennent de déposer le bilan : Tati, Camaïeu, Pinkie, Kookai, San Marina – et qu’on apprend maintenant que Naf Naf est en liquidation judiciaire… Ceux qui restent vont peut-être être subventionnés pour compenser l’incitation à ne pas acheter dans leurs boutiques, mais à raccommoder les vieux vêtements ? Ne serait-ce pas une injonction contradictoire ou une politique de Gribouille…

La démarche administrative est kafkaïenne, comme d’habitude. Quel est le coût des fonctionnaires dédiés ? des recherches, des agréments… et des contrôleurs ? La DGCCRF a-t-elle prévu d’ouvrir un département lié au contrôle de conformité entre la réparation et la retouche ? Faudra-t-il attendre une éventuelle décision du conseil d’État pour qu’une jurisprudence précise la différence entre une réparation et une retouche ? Nous notons une discrimination des sous-vêtements « pour l’instant »… Sachant que la mode incite à porter les soutiens-gorge par-dessus le vêtement ! alors ? Et qui va juger de la nature de ce qu’est un sous-vêtement ? Et un Damart ? Quant au linge de maison ? Pourquoi donc votre couette déchirée est-elle exclue ? Il est également question de ressemelage : mais 90% des jeunes portent des « sneakers » (donc non re-semellables !)

Mettons ChatGPT à l’ouvrage !

Dans cette histoire, il y en a toutefois certains qui se frottent déjà les mains. Ce sont les 250 réparateurs qui ont déposé un dossier. En plus, cette loi anti-gaspi leur permettra vraisemblablement d’augmenter leurs prix, puisque le client paiera moins cher ! On vise aussi des « acteurs digitaux »… et là je donne ma langue à la couturière ou à Chat GPT? On nous explique, enfin, que c’est « en vertu du principe pollueur payeur » que l’on met tout cela en place: voilà qui va réjouir Sandrine Rousseau qui ne s’est malheureusement pas exprimée sur le sujet, alors que c’est toujours réjouissant de l’entendre. C’est son mari déconstruit qui tente de raccommoder les morceaux peut-être ?  

Résumons :

1) Quand je fais un accroc, je pollue parce que je peux envisager de ne plus porter mon vêtement et d’en acheter un autre… mais, avant de le jeter, pourtant, j’avais pensé à le réparer moi-même sans me faire rembourser…   

2) Donc, désormais, il ne nous faut plus rien recoudre soi-même. Plus de travaux d’aiguilles – l’État préfère payer et libérer la femme ! mais la femme au foyer, peut-elle se faire labéliser ? Ou l’homme, pardon…

3) À quoi rime un « objectif de 35% de produits réparés », et lesquels ? Si j’achète un jeans troué à la mode, puis-je déduire la réparation, et je refais le trou après ?

Je cherche encore de quelle éco contribution on nous parle pour les « producteurs, importateurs et distributeurs » évoqués dans ce texte ineffable ? En revanche, évidemment, rien n’est dit sur qui va rapiécer les dépenses publiques…

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Chef d'entreprise, présidente du mouvement ETHIC.

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