Accueil Politique Que l’exécutif se saisisse vraiment du sujet de l’immigration!

Que l’exécutif se saisisse vraiment du sujet de l’immigration!

Une tribune libre de Jean-Michel Fauvergue


Que l’exécutif se saisisse vraiment du sujet de l’immigration!
Saint-Ouen (93), octobre 2020 © Michel Setboun/SIPA

L’immigration est un sujet au cœur des préoccupations des Français, qui ne doit pas rester le monopole des extrêmes. «La France s’apprête à connaître un déclin de sa population que seule l’immigration pourrait combler à court et moyen termes», écrit Bruno Tertrais, dans une note de l’Institut Montaigne publiée hier. Faute d’accord avec les LR au printemps, le projet de loi immigration/travail porté par Gérald Darmanin et Olivier Dussopt est reporté à l’automne à une date inconnue…


Tout au long de notre histoire, les mouvements migratoires ont fortement influencé les opinions publiques, qui les perçoivent comme autant de menaces pour nos valeurs, notre cohésion nationale et notre sécurité. La captation partisane de ces problématiques par les organisations politiques contribue aussi à une crispation qui rend inaudible toute tentative d’analyse factuelle, toute proposition modérée ou tout simplement réaliste. Entre une droite censément autoritaire et sécuritaire, et une gauche au discours « humaniste » sans contrepartie, les partis traditionnels modérés n’ont cessé de se fracasser au principe de réalité de la situation migratoire. Aux yeux des électeurs, ils n’expriment plus qu’une opinion partagée, aux corrections partisanes minimes, sans influence sur l’évolution globale de la situation.

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La distorsion entre les discours et les actes a considérablement renforcé la suspicion des Français, nourrissant un rejet de la parole politique, et une méfiance à l’encontre des populations intégrées, victimes de tous les amalgames possibles.

Un sujet à risque pour les partis modérés

Au-delà des études comptables des phénomènes migratoires, c’est à la racine des sentiments générés par cette immigration que les pouvoirs publics doivent réfléchir pour produire des politiques efficaces.

Les droites extrêmes l’ont bien compris en s’appuyant sur la puissance des ressentis pour prôner une politique de rejet total fondée sur l’axiome « zéro immigration » sans développer outre mesure des solutions alternatives pour notre économie comme pour notre société. Quant à la théorie des partis d’extrême gauche, elle repose sur une braderie permanente de notre souveraineté et foule au pied les appréhensions légitimes d’une majorité de la population française face à cette question.

Quand bien même elle constitue aujourd’hui pour les partis modérés, l’un des sujets les plus « à risque » politiquement, la politique migratoire ne doit en aucun cas être abandonnée aux prismes idéologiques des extrêmes. Il existe un problème d’immigration en France (et en Europe), le devoir de tout représentant politique consiste donc à s’y confronter, à développer des visions communes et à imaginer des solutions transpartisanes efficaces et durables (le Danemark nous a démontré que c’est possible).

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Mais la recherche de solutions ne peut intervenir qu’après une analyse objective des phénomènes et de leurs conséquences. Trois types d’immigration coexistent aujourd’hui dans notre pays, dont deux sont à combattre et une à encourager.

« Limmigration agressive » se définit comme une immigration délinquante, qui empoisonne la vie des habitants de nombreuses villes et de nombreux quartiers. Il ne se passe pas une semaine sans une agression, un délit ou un crime commis par un étranger, quelquefois sous OQTF (Obligation de quitter le territoire français). Les pouvoirs publics ont enfin reconnu un lien entre la délinquance et une partie de l’immigration. Cette réalité visible et invivable nuit à tous, y compris en termes d’image à la majeure partie des étrangers régulièrement installés., La dénonciation de ce phénomène d’immigration agressive et la volonté de lutter contre, en particulier par le biais des expulsions généralisées, doivent être un marqueur fort du pouvoir en place, afin de jouer sur trois leviers majeurs : une diminution sensible de la criminalité, une satisfaction de l’opinion publique qui plébiscite un retour de l’autorité, la fin d’un monopole de parole de la droite extrême sur ce sujet.

La seconde immigration à combattre est « limmigration invasive ». Sondage après sondage, les Français font état d’un malaise face à une arrivée perpétuelle de migrants, qui pousse à un rejet global, incluant là aussi les populations étrangères les mieux intégrées. Avec des augmentations de près de 64% des flux de migrants clandestins en 2022, et près de 50% des demandeurs d’asile en 2021, l’Europe est manifestement incapable aujourd’hui de protéger nos frontières communes. Il y a urgence à ce que les États de l’UE changent collectivement les règles du jeu européen, ou à défaut, agissent individuellement. Le Danemark l’a bien compris en externalisant à la fois ses demandes d’asile et ses prisonniers étrangers dans des pays tiers, orientations menées par les socio-démocrates au pouvoir, qui font l’objet d’un réel consensus entre toutes les formations politiques. Même si la France n’a pas pris la précaution de se prémunir face aux traités européens des mêmes garde-fous que ce pays nordique, les situations ne sont jamais figées et cet exemple est à méditer.

Une opinion publique désabusée

Sur ces deux types d’immigration, il nous faut appliquer un principe de réalité et mener des luttes efficaces, réclamées par nos concitoyens. On ne peut se l’interdire sous prétexte que ces évidences sont déjà dénoncées par d’autres. En clair, il nous faut retrouver un État fort et volontaire.

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Cependant, il est un troisième type d’immigration qui permet aux partis modérés de compléter ce principe de réalité, de façon radicalement différente des thèses extrêmes, qui font peu de cas des considérations humaines ou économiques, c’est « limmigration sélective ». De tout temps, notre civilisation et notre société se sont nourries des apports de l’immigration en termes de main d’œuvre, mais aussi de culture, de savoir, de sciences et techniques. Un apport mesuré et contrôlé de bras et de cerveaux est, aujourd’hui comme hier, nécessaire au développement de nos économies, de notre vie associative et étudiante, de notre dynamisme culturel, sportif et créatif. C’est bien dans cette faille-là, que les partis modérés doivent s’engouffrer en démontrant l’inanité d’affirmations comme le « zéro immigration » ou le « tout immigration ». Mais face à une opinion publique largement désabusée, ils ne pourront être crédibles et efficaces sur cette troisième phase que s’ils s’engagent résolument sur les deux autres.

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Ancien patron du RAID - Police nationale, Ancien Sous-Directeur de la Police aux Frontières, Député de Seine-et-Marne de 2017 à 2022, Auteur du roman "Les hommes en noir, servir ou faillir" aux éditions Plon.

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