Accueil Édition Abonné Affaire Médine: cela fait longtemps que Rachel Khan a les “racisés” à ses trousses

Affaire Médine: cela fait longtemps que Rachel Khan a les “racisés” à ses trousses

Maladresse ou antisémitisme, le rappeur Médine déchaîne les passions


Affaire Médine: cela fait longtemps que Rachel Khan a les “racisés” à ses trousses
L'actrice et essayiste Rachel Khan, le rappeur Médine © SYSPEO / ISA HARSIN / SIPA

Si Marine Tondelier a accepté de débattre avec le sulfureux rappeur Médine, c’est parce que la Secrétaire nationale d’Europe Écologie Les Verts a estimé, de manière un peu condescendante et paternaliste concernant l’antisémitisme, qu’un “racisé” pouvait ne pas se rendre compte de ce qu’il racontait. Pourtant, la sphère militante qui soutient le rappeur a développé tout un arsenal lexical ces dernières années – lexique qu’avait analysé dans un livre une certaine Khan Rachel…


Certes, Rachel Khan avait fait la première un tweet qui traitait Médine de « déchet ». Et Médine, finalement, lui a renvoyé la balle avec sa trouvaille linguistique selon la loi du talion. Les Verts, courant après le buzz comme le plus vulgaire député LFI, se sont pris les pieds dans le tapis avec leur invitation. Mais, Rachel Khan suscite des passions tristes chez les “racisés”, les “décoloniaux” et tous les amateurs d’identités faciles depuis un moment. En 2021, elle publie un livre, Racée (L’Observatoire), dans lequel elle pourfend un certain nombre de mots ou d’expressions considérées comme des valeurs sûres par leurs employeurs.

Racée, pas racisée

Le mot « racée », employé en titre, peut surprendre et faire se confondre l’essayiste née en 1976 avec les “racisés”. Eh bien c’est le contraire ! Rachel Khan entend ce mot à partir des racines, qui, chez elle, sont nombreuses, d’où l’incompatibilité avec les tenants d’une identité et d’une seule. « Je suis racée parce que je porte en moi plusieurs racines que certains prennent pour des races… » écrit-elle.Employé pour qualifier un être humain, le Larousse nous apprend également que l’adjectif caractérise une personne qui paraît représenter “un type particulièrement fin et distingué, qui a de la classe, de l’élégance”.Deux lignes plus loin, l’essayiste précisait dans son livre : « Femme européenne et africaine à la fois, binationale, française et gambienne, juive aux origines chrétiennes et musulmanes, animiste avant l’islamisation de l’Afrique de l’Ouest, blanche et noire, je veux aujourd’hui annoncer la couleur : je suis bien dans ma peau. »


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Elle nous rappelle que le mot souchien fut prononcé pour la première fois à la télévision par la porte-parole des Indigènes de la République, Houria Bouteldja, en 2007. Rachel Khan souligne la rime riche avec chien, à laquelle je rajouterais volontiers le  « sous » du « sous-chien » qui fait merveilleusement entendre l’espèce inférieure ainsi désignée… Et, ce mot va donc permettre de lutter contre les discriminations par… la discrimination. « Un paradigme peu créatif, ajoute Rachel Khan, puisqu’il s’agit de reproduire allégrement ce qu’ils dénoncent » ; à savoir un racisme anti-blanc.

Puis, vinrent les racisés. « Outre une vilaine sonorité, qui sonne comme ostracisé ou excisé, le mot a pour but de séparer les Blancs des non-Blancs. » Et, par ailleurs, le mot, à la différence de « racialisé » qui, lui, prendrait en compte un évènement discriminatoire précis, n’a plus besoin de lui puisque les “racisés” le sont par essence, indépendamment de leur vécu. « Ainsi, Michele Obanma est une femme racisée et ce, malgré sa condition  sociale d’ex-Première dame de la première puissance mondiale ».

Rachel Khan s’oppose au déterminisme victimaire dont beaucoup font leur miel

Après, se présentèrent les Afro-descendants : tout droit importés des Etats-Unis et aussitôt confisqués par des personnes qui, d’une part, confondent déportation et immigration, et, d’autre part, « sont nées trop tard et pas au bon endroit ». Il s’agit, qu’on soit vraiment un afro-descendant ou pas, de raviver les plaies de l’esclavage dont on s’attribue la propriété.

Rachel Khan épluche d’autres mots ; notamment celui de « la Cause » qui dit ce paradoxe fou : sous prétexte de s’émanciper d’une ancienne colonisation qu’on aurait reçue en héritage, on s’enferme dans un déterminisme victimaire dont il n’est pas question de sortir, et qui devient une sorte de « rente mémorielle », laquelle fournit un job à temps complet.

Dans cet inventaire des mots qui ne mènent nulle part, Rachel Khan raconte ses déboires au sein de groupes minoritaires qui la veulent d’un seul tenant et la traitent de traître lorsqu’elle convoque en elles d’autres parties. « Un jour, on m’a dit que je ne méritais pas ma couleur… Ce qui est attendu de moi, c’est d’être racisée, afro-descendante, intersectionnelle, faisant partie d’une minorité, une proquota qui déteste les souchiens. Ici, la violence première est d’interdire le droit à l’autodétermination tout en prônant le décolonialisme ». On comprend mieux, alors, qu’elle puisse être la cible d’attaques des minorités en question. Profondément inspirée par Romain Gary et notamment son livre Chien blanc, Rachel Khan nous offre dans le sien une réflexion qui ne manque ni d’humour ni de causticité, et qui éclaire sans la justifier un seul instant on l’aura compris la vindicte à son égard.

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Professeur de lettres modernes à la retraite, ayant enseigné dans le 93.

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