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Houellebecq, prophète de l’islamodroitisme ?

Peut-il exister un islamodroitisme modéré, anti-wokiste?


Houellebecq, prophète de l’islamodroitisme ?
Michel Houellebecq en Espagne, septembre 2019 © REX/SIPA

Le propre des chefs-d’œuvre, c’est de permettre une pluralité d’interprétations et d’approches. A cet égard, un grand roman comme Soumission de Michel Houellebecq n’est pas une exception, bien qu’il parle de notre actualité politique et sociale. Le romancier Mayeul Tur y trouve une richesse peut-être inattendue.


On retient généralement du roman Soumission de Houellebecq l’image d’une sorte d’apocalypse civilisationnelle. Même un gauchiste fini ne pourrait envisager sans trembler une France islamique. Et pourtant, ce roman contient une autre idée, ou plutôt un autre regard sur ce changement de paradigme. Celui de l’universitaire réactionnaire Robert Radiger, qui s’en réjouit. Contrairement au narrateur, François, qui pense surtout aux avantages de la polygamie, non sans donner quelque légèreté comique au roman, Radiger voit dans l’islam un moyen de sauver l’Occident de sa décadence. Y a-t-il dans Soumission comme un autre roman qui titrerait moins élégamment Rémission, le roman de l’islamodroitisme?

Le frère ennemi de l’islamogauchisme?

Ce mot n’est pas totalement inconnu des Français. Le plus souvent, on y voit une simple complaisance électoraliste ou clientéliste envers les mouvances islamiques. Mais souvenons-nous que son équivalent à gauche, le fameux islamogauchisme, ne se limite pas à fermer les yeux pour obtenir des votes ou la paix sociale. Il consiste aussi et surtout à faire alliance contre le bouc émissaire blanc. De même l’islamodroitisme pourrait-il réunir conservateurs et musulmans autour de valeurs communes. À partir de là, toutes les nuances sont possibles. Car, à côté de l’islamodroitisme défini par Pierre-André Taguieff comme l’alliance de l’extrême droite et des islamistes contre les juifs (et contre les homosexuels), il y a de la place pour un autre islamodroitisme dépourvu d’antisémitisme ou de culte de la violence, à savoir celui de Radiger qui, nostalgique du patriarcat, se convertit à l’islam et fait son miel de l’immigration massive pourvoyeuse de sang neuf conservateur. Il y aurait de la place aussi peut-être pour un islamodroitisme plus modéré qui, si jamais il se cristallise, donnera des accents prophétiques au roman de Houellebecq.

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Jusqu’ici, c’est assez inimaginable. Mais c’est justement là que le Radiger de Houellebecq est intéressant : il dévoile un non-dit fondamental à droite sur la question de l’islam. Quand cette droite en effet se plaît à dénoncer les contradictions de l’islamogauchisme, elle en oublie une autre : la désunion tout aussi contre-nature entre conservateurs de droite et conservateurs musulmans, qu’ils soient pratiquants ou même simplement de culture musulmane. Il y a là, en y songeant, une bizarrerie politique : la gauche woke défend le droit des musulmans de ne pas s’assimiler à notre culture progressiste à la dérive quand ce droit leur est refusé par la droite anti-woke ! On peut alors se demander combien de temps cela va durer, et si les Radiger ne risquent pas à un moment ou un autre de se multiplier dans le paysage politique.

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C’est d’autant plus plausible que les musulmans eux-mêmes supportent difficilement le wokisme et le font de plus en plus savoir. En Ontario au Canada, dans le Maryland aux États-Unis comme à Birmingham en Angleterre, ils s’élèvent contre la théorie du genre à l’école. Au Michigan, un conseil municipal entièrement musulman a interdit les drapeaux LGBT sur les propriétés de la ville. À côté de ça, la France des quartiers en est encore à voter pour un candidat, Mélenchon, qui promettait en 2022 le changement de genre dans la Constitution. Si quelques voix dissonantes se font parfois entendre, comme Bassem Braïki lorsqu’il fustige le « monstre wokiste », ce n’est pas au point de rejoindre le camp conservateur, qui leur semble hostile. On a ainsi pu voir Médine se plaindre dans un récent débat de Médiapart d’avoir été « disqualifié » en tant que musulman par ce qu’il appelle « l’extrême droite ». Mais la droite n’allait certainement pas applaudir à son djihadisme « intérieur » et autres quenelles. À supposer alors une évolution de la situation, quelles en seraient les conditions ?

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Une possible alliance contre le wokisme?

Si les musulmans et la droite ont des raisons de s’allier, il y a aussi entre eux un certain nombre de casus belli. Un accord a minima pourrait porter sur la lutte contre le wokisme. Il ne s’agirait pas encore, pour les musulmans, d’aller jusqu’à soutenir ouvertement le RN, sans parler de Reconquête. Ici, la question du voile est centrale. Au bas mot, la droite inclusive, si je puis dire, devrait renoncer à vouloir l’interdire dans l’espace public. Comme c’est de toute façon assez irréaliste, presque un marqueur de campagne, ça ne devrait pas être très difficile. Même Éric Zemmour sait que l’essentiel n’est pas qu’une minorité de femmes se voilent, mais qu’elles deviennent demain la majorité à force d’immigration incontrôlée. Le problème de la France, ce n’est pas le voile, c’est l’immigration massive. Ce ne sera évidemment pas assez pour les islamistes, qui cherchent constamment à faire reculer la laïcité, ce que n’acceptera pas la droite car elle fait partie de la culture française moderne. Toutefois, cela rassurera les musulmans plus modérés. Un statu quo islamodroitiste en somme, une situation gelée pour se tourner ensemble vers les grandes menaces qui pèsent sur la France : le wokisme et l’immigration massive, dont bien des musulmans ne sont pas plus fanatiques que le reste de la population.

Vu la situation aux États-Unis, l’idéologie totalitaire des wokistes a encore de la marge en France. Il n’est pas exclu que Radiger se rappelle un jour à notre bon souvenir.

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Écrivain, auteur de "Pute Finale", aux Editions Sans Pitié

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