Attendue comme un élément de rupture tant avec le gouvernement de Mario Draghi qu’avec la politique de centre gauche, Giorgia Meloni incarne une nouvelle voie pour le pays. Sa volonté de changer l’Italie est forte, mais ses promesses électorales risquent de s’effondrer face à la réalité économique et aux pressions de ses alliés.
Dès son arrivée au pouvoir le 22 octobre 2022, Giorgia Meloni a promis un changement radical dans la conduite du pays. Après plusieurs années d’alternance entre gouvernements populistes et gouvernements techniques, l’Italie a eu du mal à retrouver la stabilité nécessaire pour améliorer sa situation, bien que paradoxalement, son économie se soit bien mieux portée que celle de ses voisins européens. De plus, Giorgia Meloni bénéficie d’avantages importants pour gouverner, à commencer par le large consensus autour de sa personne, qui pourrait lui permettre de gouverner pendant toute la législature et pourquoi pas de renouveler son mandat aux prochaines élections.
Panorama de partis politiques sans crédibilité ni influence
Forza Italia, après la mort de Berlusconi, n’a plus de leader capable de remonter dans les sondages. Le parti espérait influencer, voire limiter le périmètre d’action de Giorgia Meloni, en imposant Berlusconi comme leader expérimenté et modéré, mais ce fut un échec. Ce dernier, entre provocations et propos incohérents, a poussé une partie des parlementaires à quitter son parti et rejoindre celui de la Meloni.
Le Parti Démocratique a été lourdement sanctionné par l’opinion publique mais également par une partie de son électorat. En cause, la gestion désastreuse de la stratégie du parti par son ancien secrétaire, Enrico Letta. Son échec est dû d’une part à son alliance avec le mouvement 5 étoiles de Giuseppe Conte, et d’autre part, à sa tentative de diaboliser Giorgia Meloni, en criant au retour du fascisme. En pleine crise économique et sociale, entre la Covid19, la guerre en Ukraine et l’explosion de la facture énergétique qui a mis à genoux des dizaines de milliers de familles et d’entreprises, le Parti Démocratique a épuisé, sans succès, son stock de solutions « prêt à porter », le tout dans un esprit démagogique typique de la gauche mondialiste. Une gauche plus intéressée par les migrants, les « gender fluid » et la dépénalisation du cannabis, que par le sort des travailleurs, dont les salaires ne suffisent plus pour se nourrir et se soigner. Cette défaite signe la fin du match pour Enrico Letta, qui démissionne fin 2022 en laissant un parti moribond qui a gouverné pendant des années sans jamais briller, ni par ses compétences, ni par son intelligence.
De son côté, le mouvement « 5 étoiles » est en pleine déflagration. Son leader, Giuseppe Conte, ne convainc plus ni son électorat, ni celui de son ancien allié, le Parti Démocratique. Jugé responsable de la chute du gouvernement de Mario Draghi en pleine crise, Giuseppe Conte joue une fois de plus la carte du populisme pour essayer de remonter la pente, mais sans y parvenir.
La Ligue de Matteo Salvini est elle aussi en mauvais état. Complètement décrédibilisé, l’homme, sans vision ni conviction, a connu de multiples échecs ces dernières années, faisant perdre un grand nombre de voix à son parti. De nouveau présent dans la coalition de centre-droit, Salvini représente toutefois un véritable danger pour Giorgia Meloni. Par son incohérence et son égocentrisme primaire, il est capable de tout, même de faire tomber le gouvernement. Il l’avait déjà fait en 2019, convaincu de gagner les élections, bien qu’il fût condamné à une inexorable défaite.
Une immigration encore incontrôlable
En revendiquant son appartenance à une droite sociale attentive aux besoins des plus défavorisés, Giorgia Meloni a promis un changement radical de politique sur l’immigration, l’augmentation du pouvoir d’achat et l’abaissement des impôts pour les entreprises et les salariés. Il faut reconnaitre que, depuis qu’elle est au pouvoir, Meloni est sur tous les fronts. Pour juger de l’efficacité de son action, il faut lui accorder encore un peu de temps et un certain nombre de problèmes ne trouvent toujours pas de réponse pour l’instant, à commencer par l’immigration, qui figure comme la première préoccupation nationale. Malgré ses annonces et le blocage des navires des ONG sur les côtes italiennes (à l’origine d’un incident diplomatique avec la France), le problème est toujours d’actualité et les arrivées par bateau ne cessent de croître. Au cours des sept premiers mois de l’année, les débarquements sur les côtes italiennes ont plus que doublé par rapport à 2022, passant de 41 435, à 89 158 pour l’année en cours, soit une augmentation de 115,18%. Cette situation commence à devenir ingérable et dangereuse.
Une économie fragile
Sur le plan économique, Giorgia Meloni avait promis de baisser les impôts sur les entreprises et les ménages, ainsi que sur les droits d’accises liés au carburant. Pour cela, son gouvernement cherche les fonds nécessaires sans augmenter la dette, ce qui n’est pas une mince affaire. Ensuite, son changement radical de politique sur la souveraineté, l’euro et l’interventionnisme à l’étranger, notamment en Ukraine, commence à engendrer des mécontentements chez ses alliés politiques. On sent chez Meloni une volonté de s’affranchir de l’establishment et se de montrer conciliante envers ses partenaires européens. Elle a compris qu’elle ne pouvait isoler le pays pour faire face aux multiples défis auxquels l’Europe est confrontée.
Dans les prochains mois, ses vrais premiers tests seront, en particulier, la gestion des fonds du PNRR (Plan pour la reprise et la résilience), nécessaire pour relancer le pays, la réforme du marché du travail, la modernisation de l’administration publique, la réduction de la dette publique, tout en priorisant la transition écologique. Giorgia Meloni doit donc faire preuve de ténacité et d’une capacité à tenir une majorité fragile. Elle doit éviter pour cela le syndrome du « leader seul aux commandes », qui risquerait de la pousser vers une confrontation directe avec la Ligue, mais aussi Forza Italia.
Pour rappel, la durée moyenne d’un gouvernement en Italie est de 414 jours, tout est donc possible.
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