Les sommes déboursées par les Saoudiens pour se payer les meilleurs joueurs de foot du monde sont folles. Revenons au barème de rémunération raisonnable des Qataris!
En son temps, Jacques Dutronc le chantait. Mais c’était en citoyens chinois que l’addition s’élevait à 700 millions. Aujourd’hui, c’est en euros, en bon fric bien sonnant et trébuchant.
700 millions d’euros serait la somme que recevrait en salaire Kilian Mbappé pour son année de pantouflage sportif dans un club sans réel palmarès d’Arabie Saoudite. 700 millions, soit près de deux millions par jour, dimanches et jours fériés compris. On aura beau dire, c’est quand même pousser le ballon un peu loin. On ne dit pas si ce Smic revu et très corrigé s’assortit de primes au match gagné, de gratification au but marqué ou autres indemnités pour éloignement de chez soi, inconfort climatique et éventuelle intolérance à la clim’ des stades. Pourtant, on ne parlera pas d’indécence, d’inconvenance ou d’amoralité tout bonnement parce que ces notions-là n’ont plus cours aujourd’hui, dans un monde où, en permanence, tout s’achète et tout se vend. Où même le raisonnable, semble-t-il, n’a plus de prix. Il n’empêche, avec 700 millions (auxquels il convient d’ajouter les 300 millions destinés au club vendeur, le PSG en l’occurrence, propriété du Qatar, voisin lui aussi hyper blindé de l’Arabie Saoudite). Avec donc un milliard, disais-je, on pourrait en faire des choses admirables, telles que, au hasard, secourir des frères migrants en Méditerranée, les accueillir, les héberger, les cocooner dans ces merveilleuses mégapoles hyper modernes qu’on fait pousser là-bas dans le désert à peu près au même rythme que prospèrent chez nous les campements Quechua. Assurément, on pourrait entreprendre mille et une choses formidables. Elles ne me viennent pas à l’esprit, ces choses, faute de disposer des 700 millions qui m’auraient incité à y réfléchir en amont. Je sais que vous me comprenez…
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Cela dit, au-delà du fait en lui-même, se profile une question plus sérieuse, plus troublante aussi. Quand on peut s’acheter une année d’un footballeur plus d’un milliard et des broutilles, n’a-t-on pas derrière la tête l’idée plutôt cynique et tordue de faire comprendre au vaste monde, en particulier au nôtre, qu’on est en mesure de se payer bien d’autres talents ? En mode plus discret, sans doute. On pourrait penser – simple hypothèse d’école – à certains joueurs ou joueuses des équipes premières d’instances européennes ? Voire à des petits joueurs nationaux ou régionaux d’équipes d’entreprises, d’institutions, de cabinets de conseil qui, devant tant de bienfaits promis, pourraient se laisser tenter de ne pas trop mouiller le maillot, ou même de marquer contre leur camp. Délire complotiste, hurlera-t-on ! Nullement. Cela s’est vu récemment encore, et au plus haut des tours façon Babel de Bruxelles dont, pour un peu, un esprit malveillant pourrait en arriver à se demander si la seule langue commune ne sera pas bientôt le fric, et la table de négociations une table de poker. Avec ces 700 millions plus 300 millions l’année d’un footballeur – si doué soit-il – ne risque-t-on pas de voir bien des têtes, bien des talents en maints domaines s’enflammer, succomber au vertige, céder au chant des sirènes, au parfum ensorcelant du billet de mille ? Décidément, c’est à se demander si quelque chose tourne encore rond en ce monde. À part le ballon au bout du pied de l’époustouflant Mbappé, bien entendu.
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