L’insoutenable suspense entretenu ces derniers jours par Macron (« Quel héritier vais-je choisir comme ministre de l’Éducation pour se substituer à l’autre incapable — tiens, je vais prendre un pur produit de l’Ecole alsacienne, au moins, s’il est nul, il a les codes et il sort du sérail… ») a empêché la grande presse de se faire l’écho d’une splendide décision de la justice américaine : l’indemnisation (pour 1,8 milliards de dollars) des candidats recalés à l’examen d’enseignant de la Grosse Pomme, car les épreuves étaient « culturellement biaisées ». Notre chroniqueur s’en est amusé.
Dans Le Figaro Étudiant du 19 juillet, Jeanne Paturaud relate la décision récente de la justice américaine, si souvent citée en exemple de ce côté de l’Atlantique. Constatant que la moitié des candidats noirs ou hispaniques avaient échoué à l’examen qui donne à New York le droit d’enseigner, le tribunal a jugé que les épreuves étaient « culturellement biaisées ». Trop « blanches ». Pensez, on demandait par exemple « d’expliquer la signification d’un tableau de l’artiste pop Andy Warhol. Selon les plaignants, plus de 90% des candidats blancs ont réussi le test à choix multiples et l’essai, contre 53% pour les candidats noirs et 50% pour les hispaniques. » L’idée que lesdits candidats noirs ou hispaniques aient été nuls n’a pas effleuré le pays de l’égalité — au moment même où la Cour suprême, à majorité républicaine, supprimait une fois pour toutes la « discrimination positive » qui a permis au fil des ans à tant de représentants des minorités de prendre la place de postulants meilleurs qu’eux.
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Et de décider d’indemniser ces recalés, sur la base de ce qu’ils auraient pu gagner s’ils avaient été admis. Vous souriez ? C’est typique, c’est la raison pour laquelle, dans l’échelle de notation américaine, les enseignants ne mettent plus E ni F, car les parents des progénitures injustement stigmatisées attaquaient en justice et gagnaient des sommes considérables, calculées sur ce que la baisse de self esteem faisait potentiellement perdre au malheureux bambin étiqueté cancre.
Sommes records
Ici, on ne plaisante pas avec les zéros posés avant la virgule. « Si les sommes varient parmi les 5200 personnes concernées, certains ont déjà reçu plus d’un million de dollars. » Des indemnisations versées aux plaignants jusqu’en 2028. Sans compter que la facture réellement payée par les New-yorkais sera bien plus élevée, car elle devra comporter (et non, je n’invente rien, lisez donc le New York Post) des sommes versées au titre de la retraite d’une fonction que les plaignants n’ont jamais exercée. Elle est pas belle, la vie ?
Le test incriminé concerne l’évaluation en « Liberal Arts and Sciences », qui balaie aussi bien des connaissances en maths, en histoire, en communication et recherche, en analyse et expression écrite ou encore en expression artistique. Il a été modifié en 2013 pour tenir compte des différences de cultures d’origines — et vous savez quoi ? « Les candidats d’origine afro-américaine ou hispanique sont toujours moins nombreux à réussir le test, comparé aux candidats blancs ». Fatalitas !
Indemnisons les Kevin et Mathéo !
C’est une idée grandiose qu’il faut impérativement importer chez nous. Les candidats de Seine Saint-Denis ou des Quartiers Nord de Marseille, qui parlent une langue multicolore, devraient réfléchir à la grave injustice qui leur est infligée en les obligeant à écrire et à parler une langue « blanche » et parisienne dans les épreuves des concours. Et à professer des certitudes de même couleur : la terre est ronde, hommes et femmes sont égaux, l’école en France est laïque et les vêtements à connotation confessionnelle n’y sont pas admis — et autres fariboles peu pratiquées dans les quartiers susdits.
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Il est vrai que la France n’autorisant pas de repérage confessionnel ou ethnique, savoir qui est discriminé effectivement sera compliqué. Mais on n’aura qu’à demander à Darmanin, qui nous affirme que les émeutiers des dernières semaines se prénomment massivement Kevin et Mathéo », bien qu’ils aient paru « issus de l’immigration ». « L’explication seulement identitaire serait très erronée ». Indemnisons tous les Kevin qui voulaient se faire instits !
Heureusement que Kevin ne tient pas, en général, à entrer dans l’enseignement. Il a découvert dans son quartier bien d’autres moyens de gagner davantage que les 2000€ qu’on lui fait miroiter.
Heureusement qu’un peu de raison surnage outre-Atlantique. « The standards are the standards », dit un principal de collège. « It shouldn’t be based on what would be easy for blacks or whites. To hire people who are not qualified and change the requirements because a certain group didn‘t pass the test is bullshit » (« Embaucher des personnes qui ne sont pas qualifiées et modifier les exigences parce qu’un certain groupe n’a pas réussi le test, c’est de la foutaise »). Ben oui. Et les élèves que ces enseignants de second choix formeront n’arriveront pas bien haut. Mais il leur suffira, plus tard, de porter plainte…