La marche en hommage à Nahel a laissé un sentiment de vif malaise à beaucoup de monde. Pleurait-on vraiment la mort tragique du jeune homme de Nanterre ? Sa mort n’est-elle pas instrumentalisée par certains à des fins impures, belliqueuses, communautaristes, peu républicaines ?
Nahel, jeune homme de 17 ans, est mort dans la matinée du 27 juin à Nanterre. Il me semble qu’on a le droit, au regard des désordres, violences et incendies s’accroissant chaque nuit – à Nanterre et ailleurs -, à l’écoute des réactions politiques, sportives et médiatiques diverses et contrastées, face aux propos présidentiels et ministériels, de formuler un certain nombre de remarques qui n’auront plus besoin, comme au premier jour, de passer par le chemin obligatoire de l’hommage à la famille et de la compassion pour son chagrin et sa douleur. Cela a été fait. Nahel faisait l’objet de douze mentions au fichier des antécédents judiciaires pour refus d’obtempérer, stupéfiants et conduite sans permis. Le 24 juin notamment, il avait déjà commis un refus d’obtempérer et devait comparaître au mois de septembre devant le juge des enfants. Le 27 juin, pourtant, il en renouvelait un dans les circonstances que l’on sait alors qu’il se trouvait, sans permis, au volant d’une Mercedes orange avec une plaque polonaise.
Un président de la République « gnangnan »
C’est ce processus caractérisé par un contrôle par deux motards de la police, dont un brigadier, puis la tentative de s’y soustraire, qui entraînait le coup de feu en définitive mortel dans la poitrine de Nahel – tiré par le brigadier. Le refus d’obtempérer ne justifie évidemment pas le coup de feu fatal mais sans cette fuite, qui résulte de la responsabilité exclusive de Nahel qui se savait une nouvelle fois en faute, l’issue tragique n’aurait pas eu lieu. Le brigadier de police (Florian M) faisait l’objet de bons renseignements. Il a été mis en examen pour homicide volontaire et placé en détention provisoire à la prison de la Santé. Il va interjeter appel. D’une vidéo, il semble résulter qu’au moment où Nahel redémarre pour fuir, personne ne se trouve devant le véhicule et donc que le fonctionnaire de police fait usage de son arme sans être personnellement menacé. C’est tout ce qu’on peut affirmer en l’état.
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Le président de la République, dans sa première intervention, a fait dans un registre que pour ma part je qualifierai de « gnangnan », excessivement compassionnel, semblant préjuger et ne faisant pas preuve de l’autorité qu’on aurait attendue de lui. La conséquence est que les cellules de crise se multiplient : la crise enfle mais les cellules semblent peu efficaces malgré la police qui fait face et front. Il dénonçait le 28 des « violences injustifiables » qu’il ne paraissait pas pressentir la veille. Le président usait aussi en une autre circonstance de deux adjectifs: « inexplicable » et « inexcusable », qui s’accordaient peu et mal avec la situation du 27 juin. Son empathie du « en même temps » jure avec le climat terrifiant de ces derniers jours.
Il me plaît, en revanche, de saluer le rôle de Gérald Darmanin qui sans démagogie ni complaisance, tient bien son rôle, avec un verbe qui ne fuit pas dans l’équivoque. Il a salué le courage des forces de l’ordre contre tous les compulsifs de la haine et de la chienlit.
J’ai déjà indiqué ce que je pensais de certains tweets dont celui de Kylian Mbappé. J’ai regretté qu’apparemment sa France ne soit pas la France tout entière et que la couleur de peau soit le critère essentiel, voire exclusif de ses indignations partisanes. Comment peut-on soutenir qu’appeler au calme serait le contraire de la Justice alors que celle-ci ne peut réellement s’exercer que dans un climat serein ? Sur ce plan, certains députés LFI, à commencer par Jean-Luc Mélenchon, David Guiraud et Louis Boyard, manquent à leur devoir de député qui ne rendait pas incompatible l’affirmation de leurs convictions bien connues à l’encontre de la police, et l’expression d’une incitation à la paix civile, qui éthiquement relevait de leur responsabilité. Comme le Garde des Sceaux l’a souligné, ils peuvent être considérés comme des « complices moraux ». Ou bien aspirent-ils à ce que la France soit à feu et à sang à cause du prétexte de la mort de Nahel pour accabler encore davantage le macronisme en s’espérant un jour sauveteurs ?
Communion perverse
Lors de la marche blanche – qui, selon certains excités, n’était bonne que pour les « darons », les autres voulant des affrontements -, on entendait crier : Justice pour Nahel. Cette Justice qu’ils exigeaient, elle était sous leurs yeux, elle était en cours mais profondément elle ne les intéressait pas. La seule valable, pour eux, serait celle condamnant le brigadier au maximum de la peine et je me demande même si leur extrémisme ne se passerait pas volontiers de ces formes officielles et trop lentes de stigmatisation judiciaire. Sinon pourquoi auraient-ils continué à hurler Justice pour Nahel, par une sorte de revendication absurde puisque dès le premier jour ils avaient évidemment obtenu satisfaction ? Le maire de Nanterre, avec plus de modération, réclame justice et proclame qu’ils l’auront : mais personne ne la refuse et elle se déroule selon les règles. Si on voulait bien s’en tenir à elle seulement ?
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Les incendies, les désordres, les violences, les destructions des voitures et des autobus, d’une médiathèque, d’une banque, de tout ce qui constitue la richesse, le commerce et la convivialité d’une cité, de quartiers, le trésor des plus modestes qui n’ont que cela et qui est saccagé – faut-il vraiment, dans une communion perverse d’une indignation sans but et sans objet, applaudir ces misérables et choquantes dégradations qui prétendent faire payer à l’État les conséquences d’une tragédie singulière dont peut-être un seul fonctionnaire de police a été responsable ?
Marche blanche ou marche triomphale ? Je n’ai pas été le seul à ressentir un très vif malaise face à cette multitude d’environ 6 000 manifestants ou soutiens de la mère de Nahel, triomphalement présentée, instrumentalisée par Assa Traoré qui lui avait glissé la marche « de la révolte ». La mort de Nahel semblait oubliée. Qui éprouvait un authentique chagrin ? Qui souhaitait seulement s’en prendre aux autorités, résister aux forces de l’ordre ? Qui visait seulement à exploiter ce drame unique à des fins impures, belliqueuses, communautaristes, peu républicaines en tout cas ? Si j’étais cynique, je conseillerais la poursuite de ce mouvement, de ces nuits honteuses et furieuses, de casse et de feu. Ils rendent plus que jamais nécessaire l’émergence d’une démocratie authentique, respectueuse de la plupart, musclée et vigoureuse à l’encontre de toutes les malfaisances, quels que soient leur prétexte ou leur cause, en tout cas n’ayant plus peur de son ombre… Mais de grâce qu’on ne vienne pas nous dire, des larmes dans les yeux, qu’on pleure Nahel…
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