La confusion reste importante dans les chancelleries occidentales, après la volte-face d’Evgueni Prigojine, qualifié de « traître » par Vladimir Poutine dans une Russie un temps décrite comme au bord de la « guerre civile ».
La Russie est l’homme malade de l’Europe. L’épisode du vrai-faux coup d’Etat militaire lancé par le condottiere Prigojine, âme damnée de toutes les conquêtes et aventures militaires de la Russie des dix dernières années, aura encore confirmé aux yeux du monde ce que toutes les personnes sensées avaient déjà compris : il est impossible de prédire avec certitude ce qui peut sortir des hauteurs de l’Oural. D’une minute à l’autre, les actes les plus difficiles à concevoir peuvent se produire … toujours pour le pire. Nos catégories d’analyse rationnelles sont constamment mises à l’épreuve par ce pays à la verticalité maximale, où les factions et les bandes se disputent les faveurs du Tsar tout en complotant pour pouvoir un jour s’asseoir sur son trône. Tout juste se bornera-t-on ici à une méthode éprouvée : les faits, rien que les faits.
L’ancien restaurateur et repris de justice pétersbourgeois Evgueni Prigojine a multiplié ces derniers mois les saillies provocatrices à l’endroit des élites et des officiels russes, utilisant Telegram et les réseaux sociaux pour manifester son courroux. Prenant soin de ne jamais nommément désigner Poutine, le chef de l’orchestre wagnérien ciblait principalement le ministre de la Défense Sergueï Choïgou et le chef de l’Etat-major général des forces armées de la Fédération de Russie Valeri Guerassimov. Les grands « joueurs d’échecs » russes ont-ils lu Machiavel ? Le Florentin, traumatisé par les conflits qui ensanglantaient l’Italie de son temps, pensait à juste titre que les troupes de mercenaires étaient « incertaines, infidèles et dangereuses ».
Premier acte : les révélations d’un homme de guerre
Avant d’avancer ses 25 000 hommes sur les routes menant à Moscou, Evgueni Prigojine n’a pas fait mentir une donne du monde contemporain, singulièrement russe : le vrai est toujours un moment du faux. Cet homme simple aux manières franches, pour ne pas dire grossières, a tout simplement admis que la propagande russe au sujet de l’Ukraine était mensongère. Pas simplement depuis l’invasion, mais depuis 2014.
