Accueil Édition Abonné Musulmans vs LGBTQI+, le fight

Musulmans vs LGBTQI+, le fight

Au conseil municipal de Hamtramck, les élus, tous musulmans, gâchent le Mois des Fiertés…


Musulmans vs LGBTQI+, le fight
Le journaliste vedette de la télévision locale, Devin Scillian, lance un sujet sur la polémique des drapeaux dans la municipalité de Hamtramck, le 14 juin 2023, sur WDIV-TV (channel 4). Capture d'écran YouTube.

Hamtramck, dans le Michigan, est au cœur d’une polémique depuis quelques jours. Les progressistes de la ville hurlent à la trahison. Majoritairement musulman, le Conseil municipal a décidé à l’unanimité de faire interdire le drapeau arc-en-ciel dans les rues, alors que la communauté homosexuelle célèbre le « Mois des Fiertés » ! Querelle au cœur de l’intersectionnalité. 


Depuis 2021, la ville d’Hamtramck, située près de Détroit, dans l’État du Michigan, fait figure de laboratoire du multiculturalisme. Ses habitants ont élu un Conseil municipal entièrement musulman, composé de trois membres d’origine yéménite, deux d’origine bangladaise et une Polonaise convertie à l’islam. Le maire, Amer Ghalib, 42 ans, débarqué aux États-Unis en 1996 alors qu’il n’était qu’un jeune immigrant parmi tant d’autres, a fait campagne en promettant de travailler pour l’ensemble des communautés et de faire de la religion une question privée. Une ascension fulgurante qui est aussi le résultat d’un changement de population dans cette ville en un siècle. « Jusqu’ici, aux côtés des Serbes, les catholiques polonais et ukrainiens ont dominé la vie politique d’Hamtramck. Au fur et à mesure des décennies, les immigrés bangladais et yéménites ont fini par supplanter les Européens de l’Est. Selon le recensement de 2020, environ 30% à 38% des habitants de Hamtramck sont désormais issus de ces deux communautés qui cohabitent avec des Afro-américains et des Bosniaques » explique The Guardian, le quotidien britannique si favorable à la diversité, l’inclusivité et la justice sociale.

À lire aussi, Jeremy Stubbs: Le Mois des fiertés LGBT: une appropriation cultuelle

Depuis le 13 juin, cette ville de 28 000 habitants est sous le feu de l’actualité. Alors que la communauté LGBTQ+ célèbre le Mois des fiertés, après plusieurs heures de débat, le Conseil municipal a voté à l’unanimité l’interdiction définitive de faire flotter des « drapeaux à connotation religieuse, ethnique, raciale, politique ou lié à une orientation sexuelle définie » dans tous les lieux publics. Seules les propriétés privées et entreprises seront exemptes de ce bannissement. La résolution, présentée par Mohammed Hassan, conseiller municipal, indique également que la ville n’accordera de traitement privilégié à aucun groupe de personnes en particulier. Selon l’argument principal avancé par les élus, laisser flotter le drapeau arc-en-ciel serait prendre le risque de voir des groupes radicaux ou racistes réclamer un traitement identique. Toujours d’après les élus, le drapeau américain suffit à s’identifier à une communauté nationale. Un vote qui a provoqué une explosion de joie parmi les musulmans présents à cette consultation locale. Les réseaux sociaux étaient d’ailleurs inondés par des messages de soutien au Conseil municipal.

A lire aussi: Ludovic-Mohamed Zahed, imam et homosexuel

Pour les représentants LGBTQ+, qui se revendiquent comme inclusifs, c’est une décision incompréhensible, voire « une trahison ». Des membres de cette communauté, également présents lors du débat, ont vivement interpellé les élus dans un échange houleux. « Nous vous avons soutenu lorsque vous étiez menacés et maintenant nos droits sont menacés, et c’est vous qui nous menacez » ont crié des militants gays lors de la séance. « Je travaille pour le peuple et c’est ce que la majorité des gens souhaitent » leur a rétorqué très sèchement le rapporteur du texte. Interrogés, certains homosexuel(e)s regrettent que le drapeau arc-en-ciel soit désormais identifié par l’équipe municipale « comme un vecteur de haine alors qu’il n’est qu’un symbole de progrès et d’amour ». D’autres vont plus loin et estiment que c’est « une attaque locale contre [leur] communauté ». « Le Conseil municipal d’Hamtramck souhaite-t-il participer à cette tendance qui vise à aliéner, menacer et punir les membres de la communauté LGBTQ+, ou souhaite-t-il embrasser cette diversité telle que nous la présentons à travers un monde où tous peuvent se reconnaître ? » pose comme question un autre habitant de la ville qui ne cache pas son dépit.

Traditionaliste assumé, le maire Amer Ghalib, quant à lui, balaye toute polémique et affirme simplement que les LGBTQ+ n’ont pas pris la peine de lire le document, estimant que cette résolution ne « cible pas plus un groupe qu’un autre ». Cette affaire est un des symptômes les plus visibles d’une certaine incompatibilité entre les droits de différentes minorités qui prétendent faire cause commune contre la majorité blanche, hétéronormée. La fiction brumeuse promue depuis longtemps par les militants de la justice sociale, selon laquelle la diversité et l’unité sont la même chose, commence à s’évaporer sous les rayons implacables de la réalité.




Article précédent Rugby: la fièvre du samedi soir
Article suivant Bordeaux: oui, M. Véran, cela pourrait être la grand-mère de tout le monde
Journaliste , conférencier et historien.

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Pour laisser un commentaire sur un article, nous vous invitons à créer un compte Disqus ci-dessous (bouton S'identifier) ou à vous connecter avec votre compte existant.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération