Statues souillées à Nice, attaque contre une dédicace d’Eric Zemmour à Brest, RN systématiquement stigmatisé comme « anti-républicain »… Les rebelles en carton, pleins de mauvaise foi purement partisane et d’idéologie, désavouent gravement le débat démocratique.
Il nous faudrait de vrais Justes ! Rien que durant ces derniers jours, une dédicace d’Eric Zemmour dans un hôtel à Brest a été entravée par des énergumènes violents prétendument antifascistes, sans que politiquement et médiatiquement la moindre indignation se soit manifestée contre cette atteinte intolérable à la liberté démocratique. À Nice, pour des motifs prétendument écologiques, deux statues de Richard Orlinski sont souillées. Christian Estrosi dénonce et il est bien le seul ! Alors que la manifestation contre le projet de ligne ferroviaire grande vitesse Lyon-Turin est interdite, qu’à cela ne tienne, les opposants n’en ont cure, des violences sont commises, force n’est pas restée à la loi.
Contre les instructions du garde des Sceaux, le Syndicat de la magistrature a donné des conseils aux interpellés pour éviter leur mise en cause lors des manifestations. Ceux qui devraient être les gardiens de la loi se font les destructeurs de celle-ci.
Sur un autre plan, l’historien Laurent Joly développe un raisonnement très tarabiscoté pour tenter de démontrer qu’aujourd’hui le RN n’est pas un parti républicain. Il s’appuie, pour ce faire, sur les exemples du Brésil et des États-Unis, qui n’ont rigoureusement rien à voir avec le sujet.
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Dans un registre strictement politicien, à Paris, il paraît que l’excellent sénateur Pierre Charon serait en balance délicate avec le maire du XVIe arrondissement, l’avocat Francis Szpiner, battu pourtant à plusieurs reprises lors d’élections et dont je peux témoigner que sa moralité judiciaire est infiniment discutable: condamné par exemple à une sanction disciplinaire pour m’avoir insulté (« traître génétique »!) puis débouté par la CEDH. Je n’ose concevoir un monde où un arbitrage à opérer serait rendu en faveur de cet avocat, contre un Pierre Charon impeccable. Rachida Dati ou Bruno Retailleau seraient-ils prêts à une telle aberration, à la fois éthique et politique ?
Ces exemples, parmi tant d’autres, n’offrent que l’intérêt d’appeler à chaque fois, si nous étions dans un univers raisonnable, une réponse univoque. Claire et évidente. On en sera loin. D’abord parce que les certitudes immédiates, les culpabilités incontestables, les sélections de bon sens et d’équité sont gangrenées par les idéologies et la mauvaise foi partisane. La Justice elle-même est une instance de plus en plus discutée, rares sont ceux qui lui font une confiance absolue. C’est déprimant: il n’est plus un débat, plus une controverse, de quelque ordre qu’ils soient, du dérisoire au grave, qui puisse être tranché sur-le-champ parce que la vérité est ici et pas là, qu’on peut détester Zemmour mais qu’il a le droit de signer ses livres, qu’un artiste a le droit de voir ses tableaux laissés intacts, qu’une manifestation interdite ne doit pas se dérouler, que le RN n’est pas obligé de copier les fantasmes d’un historien engagé, que des magistrats se doivent d’être au service de la loi et de la multitude des citoyens respectueux de celle-ci et qu’enfin, à choisir, il est plus sain d’éliminer la personnalité problématique plutôt que l’autre qui a le tort, sans doute, d’être irréprochable et de n’avoir pas souvent mordu la poussière électorale…
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Mon scepticisme s’attache aussi aux autorités administratives indépendantes dont je soupçonne parfois le caractère opportuniste et en quelque sorte hémiplégique.
C’est à cause de ce prurit moderne qui s’accentue, nous empêchant d’avoir des réponses simples et rapides à des interrogations pourtant limpides et aisées à formuler, que j’ai titré ainsi. Il nous faudrait de vrais Justes. Des personnalités mobilisées en permanence, dont les avis compteraient, qui apposeraient sur le réel non pas leur vérité mais la vérité dégagée par une approche lucide et objective de l’immédiat. Nous gagnerions ainsi un temps précieux. Imaginons le nombre de querelles, de partialités, de dénis, d’hypocrisies et de malignités qui tomberaient à la poubelle. De polémiques pour rien abandonnées. Mais où pourrait-on trouver des Juges de cette qualité quand notre vie intellectuelle, politique, médiatique, judiciaire et culturelle est gangrenée jour après jour par la propension à prendre sa libre subjectivité, souvent approximative, pour l’expression d’une parole indépassable, d’un jugement exemplaire ? La tragédie est que, si on en a eu, on n’en a plus.