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Chevènement: pas «totalement» dans les clous

Il publie "Refaire la France"


Chevènement: pas «totalement» dans les clous
Jean-Pierre Chevènement reçoit la Légion d'honneur, Paris 12 octobre 2022 © Lafargue/POOL/SIPA

Le « Che » avait déçu beaucoup de monde en se ralliant à Emmanuel Macron en 2022. Dans son nouveau livre (Refaire la France, Bouquins, 2023), toutefois, il sort timidement des clous du politiquement correct.


Attention, il revient ! À 84 ans, Jean-Pierre Chevènement, ancien ministre de l’Industrie, de l’Education nationale, de la Défense et de l’Intérieur, sort un livre, Refaire la France, chez Bouquins (collection devenue il y a deux ans éditeur à part entière), avec les contributions de Louis Gallois, ancien président de la SNCF, et de Jean-Eric Schoettl, ancien directeur du CSA, et un sous-titre prometteur : « une vision décapante ».

Désormais, il est surtout lu par les gens de droite

S’il n’est pas l’aîné des grands témoins du siècle passé (il nous reste tout de même encore Balladur, Badinter, Jacques Delors ou Roland Dumas), Jean-Pierre Chevènement a toujours la vigueur nécessaire pour sortir ce nouvel ouvrage. Depuis plusieurs décennies, il traîne l’étiquette d’un intellectuel égaré en politique qui, pour finir, intéresse plus les gens de droite que ceux de sa famille politique. Dans son dernier livre, le Che énumère ses chevaux de bataille : la réindustrialisation, la refonte de l’Education nationale, la souveraineté nationale, l’assimilation républicaine. Autant de thèmes malmenés par l’air du temps. Chevènement dresse une archéologie précise de la décomposition à l’œuvre depuis 40 ans. Parmi les responsables : une bonne partie de la gauche, convertie au cours des années 80 au libéralisme et au mondialisme. « Au [cours] des années 1980-1990, les artisans d’un tournant néoliberal de gauche disposaient donc de puissants appuis dans l’establishment médiatique », peut-on lire. Mais, plutôt que de voir Emmanuel Macron comme le dernier avatar de cette ascendance politique qui irait de Rocard à Strauss-Kahn, Chevènement a décidé de jeter son dévolu sur celui-ci, en 2017. On prête en effet à l’ancien maire de Belfort de murmurer à l’oreille du président depuis le début du premier quinquennat. 


C’est qu’il y a deux Chevènement. Le Chevènement des démissions fracassantes, contre le maintien de la France dans le système monétaire européen en 1983, contre la guerre du Golfe en 1991, contre le processus de Matignon et le dialogue avec les terroristes corses en 2000. Et puis il y a le Chevènement qui s’est toujours rêvé en conseiller du prince, cherchant à peser sur les présidents. Son ami, le regretté Max Gallo, disait de lui : « il pense comme de Gaulle et parle comme Guy Mollet ». Depuis son ralliement à Macron, on avait craint qu’il se mette aussi à penser comme Guy Mollet. Lui, le partisan de la réindustrialisation, aux côtés de l’homme qui a laissé la branche électrique d’Alstom filer entre les mains de General Electric, avec tous les effets désastreux sur la ville de Belfort ! Le partisan d’une école revenue à ses missions premières, alors que Pap N’diaye a remplacé l’an passé Jean-Michel Blanquer ! On peut se demander si ça ne revient pas à défendre la diffusion des plats végétariens à la cantine, en partenariat avec Charal…

Écologie, Ukraine: surtout si vous n’êtes pas d’accord?

De temps en temps, Jean-Pierre Chevènement aime à sortir légèrement des clous du politiquement correct. Sur le réchauffement climatique, il ne conteste pas son existence mais discute la notion d’anthropocène, et surtout, il doute que le progrès technique ne puisse pas suffire à résoudre une grosse partie du problème. En tout cas, il n’y a selon lui pas de quoi se pénaliser économiquement. « J’incline à penser qu’il y a d’autres causes, naturelles celles-là, mais insuffisamment étudiées. La recherche en astronomie a encore de beaux jours devant elle… ». Le Che, dans les étoiles, pour rabattre le caquet de Greta Thunberg ?

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Sur le conflit russo-ukrainien, il ne cache pas qu’il a eu l’occasion de serrer la pince de Vladimir Poutine à maintes occasions (en 2017, l’ancien ministre français avait été décoré de l’Ordre de l’amitié) et exprime un point-de-vue mesuré. « Certes, c’est la Russie qui a envahi l’Ukraine. Mais l’Europe n’est-elle pour rien dans la genèse de ce conflit ? Nous y reviendrons ultérieurement, quand ce débat pourra être possible et utile ». Un jour, Chevènement nous exprimera donc le fond de sa pensée sur cette affaire, peut-être après la fin de la guerre… En revanche, on peut trouver Chevènement injuste avec la droite française, et surtout avec Jacques Chirac, quand il écrit : « [après 1990], il n’y a plus de De Gaulle à l’intérieur du monde occidental pour dessiner une alternative à la politique de « guerre contre la terreur » décrétée par George W. Bush ». En lisant le dernier livre de Maurice Gourdault-Montagne, on a pu se remémorer à quel point Chirac avait au contraire voulu se tourner vers la Russie de l’époque, l’Inde ou le Levant. Dans un monde où l’Allemagne se réarme militairement, où l’Amérique joue plus que jamais la carte du protectionnisme, où la Russie attaque son voisinage et où la Chine s’apprête à devenir la première puissance mondiale, Chevènement invite la France à jouer sa partition et à défendre crânement ses intérêts.

À l’intérieur, elle doit évidemment lutter contre le séparatisme islamiste. Avec Macron, le Che en est certain, il a misé sur le bon cheval. « Le président a rappelé avec force les principes républicains fondateurs dans un discours au Panthéon le 4 septembre 2020. Il a également su pointer le danger de l’islamisme qu’il ne faut surtout pas confondre avec l’islam, et mettre en garde contre « l’aventure du séparatisme » qui prétend imposer aux citoyens d’une libre République la loi d’un groupe ». Peut-être. En six ans d’ « en même temps », il est certain qu’on a tous eu l’occasion d’être d’accord au moins une fois ou deux avec le président…

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