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Jo Privat, le dernier des parigots


Jo Privat, le dernier des parigots

jo privat accordeon

Le « Parigot-tête-de-veau » est une espèce en voie de disparition. Si l’on exposait l’un des derniers représentants de l’espèce au Muséum d’histoire naturelle, les gosses lui offriraient du pinard et du sauciflard et le gardien les mettrait en garde : « Attention, il peut dire des gros mots ! » C’est la réflexion, amère mais aussi joyeuse, que m’a inspirée la lecture de Jo Privat, le frisson de Paname[1. Éditions de Paris / Max Chaleil.]  de Claude Dubois, éloge de l’accordéon tout autant que du musicien. [access capability= »lire_inedits »]

Amère parce qu’il est bien évident que les bals musettes, les guinches, l’accent traînant, l’esprit goguenard « à la Audiard », relèvent désormais du folklore. Joyeuse parce que l’étude et la pratique de l’accordéon se développent. Il n’y a plus de Jo Privat (1919-1996) mais de petits Privat grandissent. Ils ne viennent plus de chez les Ritals, ni de chez les Auverpins, mais après tout, comme on disait chez moi : « La lisière ne vaut pas mieux que le drap. » La dernière coquetterie de Paris, c’est de ne pas changer le nom des rues. Privat a joué un bon moment rue des Vertus (!), au 25. Les musiciens se produisaient sur des planches mal jointes au-dessus des « cabinces ». Certains se mettaient du coton dans les narines. L’essentiel était que les danseurs dansassent. « Les filles de joie bandochaient dur pour les laborieux du dépliant, ces hommes de peine qui ferraillaient sur leur soufflet à douleur. » Vous reconnaissez le style inimitable de Jo

Privat ? Pas du tout ! C’est du Claude Dubois qui a chaussé les charentaises de Privat et écrit ce livre « comme s’il était Jo ». Il y a, comme ça, des filiations évidentes. Un auteur se sent littéralement investi, par tradition comme par révélation, de l’obligation de témoigner de ce que furent sa ville, son peuple, avant la catastrophe de l’ère moderne.

Qu’a donc fait le peuple parisien pour que l’on gomme sa mémoire ? Des bêtises en 1871 ? Après tout, l’hymne national ne s’intitule pas La Parisienne, mais La Marseillaise, du nom de ces voyous montés à Paris, le 10 août 1792, pour découper vivants en rondelles les Suisses fidèles. Loin des préoccupations historiques, Dubois se réserve le droit de saluer les seuls 10e, 11e, 19e et 20e arrondissements, là où « battait le cœur de Paris sur un rythme d’accordéon ». Je ne lui en veux pas d’ignorer la rue de la Gaîté (14e) ou le Bal de la Marine (15e). Quand on est de la rive droite, on n’est pas de la rive gauche. Au contraire, Paucard de Paris félicite le Titi de maintenir la flamme.

Dubois conclut : « Signé, un diplodocus failli, un dinosaure abattu, découragé, de Paris, à l’orée de cet horizon 2050 dont on nous bassine. » Le pessimisme est parfois le meilleur moyen de croire en l’avenir.

Jo Privat, le frisson de Paname, Claude Dubois, Les éditions de Paris-Max Chaleill[/access]

*Photo: Flickr

 

Janvier 2014 #9

Article extrait du Magazine Causeur



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est né et ne vit qu’à Paris. Il a développé une certaine idée de la contradiction et du paradoxe dans 33 livres à ce jour, notamment : Les Criminels du béton (1991) ; La crétinisation par la culture (1998) : Éloge du cul (2006) ; Manuel de résistance à l’art contemporain (2009). Dernier ouvrage paru : La France de Michel Audiard (Xenia, 2013).

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