Ma chère Augustine, je t’écris depuis Paris qui se trouve dans un grand ensemble qu’on appelle l’Europe, et je m’émerveille chaque jour que Dieu fait encore chez nous de ce qu’il défait en ces lieux…
Figure-toi qu’il y a ici des gens qu’on appelle des « écologistes » et qui rappellent qu’il existe des lois naturelles élémentaires selon lesquelles on ne donne pas de farine animale aux vaches, ce en quoi nous ne pouvons que les approuver, n’est-ce pas ? Car qui dit vache dit herbe, dit pré et qu’elles gambadent bon sang !
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D’autre part, ils disent qu’on n’encage pas les poules les unes sur les autres, car à la fin on n’a même plus besoin de les déplumer, elles s’en sont chargées elles-mêmes ! Et ils affirment qu’on laisse un sol en jachère de sorte qu’il puisse se reconstituer, ce qui va de soi.
Te rends-tu compte, ma chère Augustine à quoi ce qu’ils appellent « le progrès » les avait menés ? Heureusement, ces gens qu’on appelle donc des « écologistes » veillent au grain si j’ose dire, et remettent à l’endroit ce qui avait été mis de travers.
Mais chose étrange, absolument étrange et que tu auras peine à croire, seuls les humains échappent à la règle. C’est on ne peut plus curieux; c’est un paradoxe que je ne m’explique pas. Mais que je te narre l’affaire: ici, on ne discute plus du sexe des anges; non, ça n’intéresse plus personne. En revanche, par une curieuse opération du Saint-Esprit, les êtres humains n’auraient plus de sexe à la naissance. Oui oui, comme je te le dis ! On ne naît plus garçon ou fille; on peut choisir son genre tout au long de sa vie; ils appellent cela « transitionner » et tu peux, ma bonne amie, transitionner autant de fois que tu veux. Enfin, jusqu’à un certain point, parce que sans rentrer dans des détails qui offenseraient notre mutuelle pudeur, on ne peut pas à l’infini, enlever, remettre, enlever, remettre etc. On ne peut d’ailleurs le faire, il me semble, qu’une seule fois; sans compter que l’on doit prendre moultes potions et qui sont bien amères pour la santé.
Mais enfin, que je te rassure, tout le monde n’est pas obligé de faire cela et la plupart s’en tiennent au « sexe à signer » à la naissance. Encore un mystère que cette chose-là, car normalement on ne sait ni lire ni écrire au sortir du ventre de sa mère, mais sans doute sont-ce les parents qui le font ?
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Ce qui m’échappe totalement dans les mœurs de ces gens là, c’est qu’ils puissent revenir à la raison pour tout ce qui les entoure et la perdre pour ce qui les concerne.
Par ailleurs, il n’y aurait donc plus deux sexes comme nous l’avons toujours connu, et pourtant, lorsqu’ils « transitionnent », c’est toujours pour prendre le sexe de l’autre. On ne voit personne demander à se transformer en chaise à porteur ou en métier à tisser. Ils restent donc dans les catégories qui nous sont familières tout en disant qu’elles n’existent pas; comprends-tu une chose pareille ?!
Décidément, ce voyage me laisse perplexe et me donne passablement la berlue. Je ne serai pas mécontente de retrouver notre XVIIIe siècle, nos verts pâturages et la différence sexuelle qui fait le bonheur que l’on sait…
Ta cousine Thérèse.
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