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Les désillusions d’un Brexiter

Nigel Farage a sa tête des mauvais jours...


Les désillusions d’un Brexiter
Nigel Farage sur le plateau de "Newsnight", 16 mai 2023. D.R.

Bouillonnant défenseur du Brexit pendant des années, Nigel Farage admet aujourd’hui que la sortie de l’UE « a échoué ». Analyse.


Dire qu’il a été le chantre le plus éclatant de l’euroscepticisme! Député européen pendant 20 ans, président de la formation UKIP, Nigel Farage a bataillé pendant près de trois décennies contre la présence du Royaume Uni au sein de l’Union Européenne. Il avait juré qu’une fois son objectif politique atteint, il se retirerait et reprendrait son activité de courtier en métaux. Un jour de 2010, à Strasbourg, il compara le charisme du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, à celui d’une «  serpillière humide ».

Le Royaume-Uni est aujourd’hui le seul pays du G7 à ne pas avoir retrouvé son PIB d’avant la pandémie

Aussi, au lendemain du référendum de 2016 qui a vu la courte victoire du Brexit (51,89 % des suffrages se prononçant pour le retrait), Farage pouvait annoncer, triomphant : « J’ai accompli ma mission ».

«Le Brexit a échoué»

Depuis, c’est la désillusion. C’est en tout cas ce que l’on peut comprendre de l’interview donnée par cet homme politique chevronné, le 16 mai, dans l’émission Newsnight, sur la BBC. «  Le Brexit a échoué » a admis Nigel Farage. La manie réglementaire de l’Etat britannique aurait pris le relais de celle de l’UE, en pire, selon ce libéral convaincu: « On peut dire que maintenant que nous avons repris le contrôle, nous réglementons nos propres entreprises encore plus qu’elles ne l’étaient en tant que membres de l’UE ! » Il a ajouté: « Avec l’impôt sur les sociétés, nous éloignons les entreprises de notre pays ».  Sans aller jusqu’à dire que le Royaume Uni s’en sortirait mieux économiquement s’il était resté dans l’Union Européenne, Farage place la faute sur les conservateurs au pouvoir, qui auraient mal négocié le virage après 2020… « Ce que le Brexit a prouvé, j’en ai peur, c’est que nos politiciens sont à peu près aussi inutiles que l’étaient les commissaires à Bruxelles » a-t-il analysé.

Un demi-million d’immigrés en un an

Bizarrement, l’aveu d’échec du leader souverainiste contraste avec le relatif déni du gouvernement britannique actuel. Le Premier ministre, Rishi Sunak, refuse de reconnaître l’échec économique de la sortie du Royaume de l’Union. Le chancelier de l’Echiquier, Jeremy Hunt, qui avait fait campagne pour le Bremain, a reconnu quelques dommages mais souligne aussi les opportunités créées, notamment grâce au nouvel accord commercial conclu avec l’Australie.

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Mais, les chiffres font état d’un constat peu reluisant. L’organisme de surveillance économique du gouvernement, l’Office for Budget Responsibility (OBR), estime que les importations et les exportations sont de 15% inférieures à ce qu’elles auraient été si le Royaume-Uni était resté dans l’Union Européenne, et que la productivité sera à terme de 4% moins bonne que ce qu’elle aurait été si le Bremain l’avait emporté. Le Royaume-Uni est aujourd’hui le seul pays du G7 à ne pas avoir retrouvé son PIB d’avant la pandémie.

Enfin, l’immigration, au cœur de la campagne de 2016, ne s’est guère tarie, bien au contraire. Un demi-million d’immigrés sont entrés au Royaume-Uni entre juin 2021 et juin 2022 (chiffre toutefois sans doute soutenu par la guerre en Ukraine, et l’afflux de personnes fuyant Hong-Kong) et les bateaux de fortune continuent de traverser la Manche. Pour l’instant, ni en termes de lutte anti-migratoire, ni sur le plan macro-économique, le Brexit ne semble tenir ses promesses.



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Professeur démissionnaire de l'Education nationale

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