Un dirigeant – politique ou d’entreprise – ne devrait pas dire ça ! Les nouvelles modes langagières, branchées ou progressistes, témoignent de notre incapacité à faire face au réel. N’y cédons pas ! Tribune de Sophie de Menthon.
Nous sommes tous plus ou moins exaspérés par les tics de langage, les mots inventés par nos ados et qui nous contaminent, du « vachement » d’autrefois au « cool » qui a définitivement viré toute tentative d’exprimer une satisfaction avec un vocabulaire un peu varié… Heureusement, il y a le « trop cool » qui permet de doser le degré de coolitude, grâce à une faute grammaticale essentielle et définitivement passée dans les mœurs.
Mais bien au-delà, ces tics témoignent de la pénétration d’un vocabulaire qui reflète notre société de façon inquiétante et qui menace même nos dirigeants de toutes sortes qui cèdent à tous les renoncements ; ainsi l’écriture inclusive pénètre-t-elle lentement mais sûrement, donnant le sentiment que l’on ne peut pas lutter contre l’absurde et le vertige des modes décadentes, sous prétexte de progrès sociétal.
On peut se réjouir que la faculté de Grenoble soit contrainte (enfin !) de réécrire son règlement en termes compréhensibles, après combien de démarches ? Mais la volonté persistante de traduire l’égalité des sexes par des attentions syntaxiques est effondrante ; et que soit votée par le conseil municipale d’une ville comme Toulouse la décision d’utiliser cette écriture inclusive avec la création d’un « atelier d’initiation à cette écriture » (sic) laisse sans voix. Un soupçon de bon sens a permis à Grenoble (il a aussi fallu recourir à la justice) d’annuler les statuts de l’université littéralement incompréhensibles. Ce qui est insensé c’est que le 16 mai 2020 paressait la circulaire du Premier ministre Edouard Philippe interdisant ce jargon à l’administration… Les décrets sont votés, les décisions s’enchaînent, et on passe outre !
« La langue française est un élément fondamental de la personnalité et du patrimoine de la France », selon la loi du 4 août 1994, mais qui est chargé d’y veiller ? Notre chère Académie Française est larguée, ce n’est pas maintenant que l’on va écouter les vieilles dames talentueuses, d’autant que les hommes politiques font volontairement des fautes de français pour faire populaire et faire oublier qu’ils sortent de l’ENA…
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Symbolique aussi, l’utilisation pour tout et n’importe quoi du concept « d’inclusif » destiné à affirmer que l’on intègre, que l’on met fin à l’exclusion, afin de contribuer à la création d’une société solidaire. Un vœux pieu mais un formidable argument marketing, surtout dans les entreprises : point de salut sans inclusif qui va de l’intention salutaire du recrutement des handicapés, en passant par la promotion des femmes… jusqu’au menu de la cantine, inclusif car il contient des fruits et légumes. J’ai appris que je faisais du yoga inclusif parce qu’il y avait aussi des abdos. Un comportement inclusif crée un sentiment d’appartenance paraît-il ; le logement est inclusif s’il est assorti d’un projet de vie sociale… l’ascenseur est donc forcément inclusif !
Le « bio » est inclusif dans la mesure où si tous n’en sont pas morts, tous en sont atteints au nom de la planète et de notre santé : les produits de beauté, les jus de fruits, les yaourts, le poulet, les croquettes pour chien, les t-shirts en coton, les fraises, etc. Tout y passe. C’est bio on vous dit, et c’est surtout souvent bidon sauf que c’est inclusivement plus cher. Sur les marchés bios, rien de plus inquiétant pour moi que l’absence revendiquée de conservateurs qui ont sauvé des populations entières d’intoxications alimentaires… Pauvres agriculteurs qui voient périr leurs betteraves (interdiction d’un insecticide). La mode des « légumes moches » en revanche est très sympathique : plus ils sont moches, rabougris et non normés (avant vous les jetiez), plus on a l’impression qu’on étend la volonté de ne pas discriminer aux carottes et aux poires blettes.
Mais vous n’êtes pas au point si vous n’ajoutez pas du « convivial » à votre vie, c’est la cerise sur le gâteau qui réchauffe l’inclusif en étant cool, les pieds sur la table, « venez comme vous êtes », plus d’efforts vous avez droit à tout… « Prenez soin de vous ! »
C’est Hannah Arendt qui parlait de: « La dégradante obligation d’être de son temps »…
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