Il est convenu depuis belle lurette que les mauvaises pratiques alimentaires, désignées par la langue médiatique comme « malbouffe », nous sont venues des Amériques grâce à la marque au grand M jaune. Érigé en symbole de l’acte gourmand moderne et libéré, le sandwich au gras sucré a su capter l’appétit mondial. Ce n’est pourtant plus du hamburger de McDo, devenu la caricature de lui-même du haut de sa toxicité sanitaire et mentale, dont nous avons le plus à craindre, mais d’une pâte à tartiner chocolatée qui nous vient d’Italie. Le fléau transatlantique n’est rien à côté du mal transalpin.
Sur le plan socio-nutritionnel, Nutella, c’est l’horreur absolue,[access capability= »lire_inedits »] le cinquième cavalier de l’Apocalypse, le Terminator du goût. Il ne corrompt pas que les sens, il plonge jeunes et vieux dans l’addiction aux sucres aliénants tout en imbibant l’organisme humain de ces poisons sournois que sont l’huile de palme et les acides gras saturés. Le problème est que ça plaît, surtout aux niais de la papille. Il existe ainsi des « nutelleria » à Bologne, Francfort et Chicago. L’ouverture d’un « bar à Nutella » à Paris est même planifiée. Pourquoi pas près de la gare du Nord, face à la shiterie ? Créée en 1964 par la firme piémontaise Ferrero Rocher, cette pâte à tartiner, censée être à base de noisettes et de cacao, est en réalité composée à 70 % de saccharoses et de matières grasses.
Une véritable petite machine à fabriquer des obèses et des diabétiques. Qui plus est, le Nutella contient des phtalates, notamment le DEPH, qui s’éclate en perturbant nos glandes reproductrices. Tout cela passerait par pertes et profits de la malbouffe de routine si les Français n’en ingurgitaient 100 millions de pots par an (2,7 kilos par seconde), soit 75 000 tonnes, à savoir un quart de la production mondiale. On a gagné ! La France est en effet le premier consommateur de Nutella puisque 78 % des foyers avec enfants en achètent. Les enfants : cibles principales d’une « marque pleine de vie » jouant sur la gourmandise affective pour prendre les familles par le sentiment du miam-miam rassembleur. Comble de l’humiliation, le Nutella est fabriqué à Villers-Écalles, au cœur de la Normandie. Puisque cette douceur chocolatée confine au paradis des poupons poupins, la firme a beau jeu de s’ériger en rempart du bonheur menacé. Qui sont les méchants qui prétendent priver le peuple d’un plaisir simple et pas cher ? Toucher à la recette du Nutella pour satisfaire Dieu sait quel fantasme hygiéno-puritain relèverait du crime. Laissez-nous nous goinfrer !
Vite, l’amalgame salvateur : pas plus que le fruit de la vigne ne tue, la pâte de noisette au chocolat ne rend malade. Vins de terroir et Nutella, même combat ! Bien joué ! Ajoutez-y une dose de chantage à l’emploi et l’affaire est en boîte. Adopté en novembre 2012 par le Sénat, à l’initiative du socialiste Yves Daubigny, un amendement, dit « Nutella », taxant les produits à base d’huile de palme (soit 2 centimes d’euro d’augmentation par pot, quelle terreur !) était retoqué huit jours plus tard par la commission des Affaires sociales de l’Assemblée nationale, PS en tête, sur injonction de Marisol Touraine, notre ministre de la Santé, une femme d’audace qui sait faire les choix courageux pour ne pas déplaire aux lobbies. Les socialistes, ça vote tout, c’est même à ça qu’on les reconnaît.[/access]
*Photo: Soleil
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