L’éditeur Jean Picollec est décédé à l’âge de 84 ans
Jusqu’au bout, il aura édité. Jean Picollec est mort à l’âge de 84 ans le 27 avril à Paris. Nous nous étions encore vu quelques semaines auparavant lors de la remise de la traditionnelle « Coupe du meilleur pot » par l’Académie Rabelais à la brasserie Le Sully, boulevard Henri IV. Il m’avait à l’occasion présenté son nouvel auteur, Jack Voukassovitch, dont il venait d’éditer le premier polar, Nettoyage par le vide. Éditeur, cet enfant de Concarneau (bien que né au Maroc), l’était devenu après ses études d’Histoire au temps de la guerre d’Algérie. D’abord de façon très classique chez Larousse, puis en cofondant en 1972 les éditions Alain Moreau avec son confrère éponyme. Il y restera jusqu’en 1978, privilégiant les documents à sensation, à l’instar de Dossier B… comme barbouzes du rocambolesque Patrice Chairoff mais aussi les premiers livres de Jean Montaldo (Dossier S… comme Sanguinetti) ou Pierre Péan (Bokassa 1er).
Un coup terrible
En 1978 donc, il fonde sa propre maison d’édition qu’il animera pendant près de 45 ans. Un de ses plus gros coup éditorial sera d’avoir programmé la parution de la biographie d’Oussama Ben Laden par Roland Jacquard le 12 septembre 2001. Une légère modification de couverture dans la soirée du 11 septembre lui suffira pour assurer un succès d’édition : 83 000 exemplaires en édition courante, 40 000 en poche, traduction en 26 langues. D’autre part, de 1987 à 1992, pour le compte de Vincent Bolloré puis d’Alain Lefebvre, il apporte son concours aux éditions de La Table Ronde.
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Feu sur le jacobinisme!
Le vrai combat de Jean Picollec, fils de marin-pêcheur, fut celui pour la renaissance culturelle de la Bretagne qui l’amena à se lier avec le poète anarchiste chrétien Xavier Grall et les écrivains Jean Bothorel et Jean-Edern Hallier. C’est d’ailleurs en Bretagne que nous nous sommes liés au début de ce siècle, à la grande époque des festivals « Étonnants voyageurs » ou Michel Le Bris conviait à Saint-Malo les romanciers A.D.G., Michel Déon et Jean Raspail. Entre le bar de l’Univers et le Fort national, un festival « off » s’improvisait où l’on pouvait croiser Sébastien Lapaque, Olivier Maulin, Grégoire Kauffmann et même Sylvain Tesson. Une bande de joyeux drilles cultivés que Jean Picollec observait d’un œil amusé et une bière à la main.
En 1979, avec Jean-Edern Hallier, il avait fomenté une liste « Régions-Europe » qui avait pour fonction de pourfendre le jacobinisme et de chouanner jusqu’à Bruxelles s’il en était besoin. Elle n’obtint que 337 voix dans l’ensemble du pays, faute de bulletins de vote présents dans les bureaux. Mais la liste des noms, à forte tonalité bretonne, demeure croustillante. En effet, outre Jean-Edern Hallier comme tête de liste, y figuraient par ordre d’apparition le chanteur Glenmor, Xavier Grall, le bretonnant Gweltaz Ar Fur, le maoïste Michel le Bris, l’historien Jean Markale, Jean Bothorel, Jean Picollec, l’écrivain Yannick Pelletier et Gwenn-Aël Bolloré, l’un des rares Français à avoir débarqué le 6 juin 1944 sur les plages normandes. Tel était le petit monde de Jean Picollec qui repose désormais selon sa volonté en terre bretonne.
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