Alors que la finale de la Coupe de France, le 29 avril, s’annonçait mouvementée pour Emmanuel Macron, à cause des contestations annoncées, le président a décidé de ne pas trop se montrer. L’analyse de Philippe Bilger.
On pouvait tout dénier au président de la République, mais pas le courage, la capacité d’affronter ses opposants, la volonté de les convaincre, l’audace de démontrer sans cesse que la France profonde ne lui était pas interdite, qu’il pouvait être partout « le roi en son royaume » et au fond qu’il n’avait peur de rien. Dans son premier mandat, il paraît que l’épisode le plus traumatisant avait été celui du Puy-en-Velay quand des gilets jaunes l’avaient contraint, sous protection, à une fuite rapide. Cette résistance, que même ses adversaires les plus résolus ne lui contestaient pas, ce courage, s’ils étaient permis et facilités par un service d’ordre qui veillait à ne pas offrir trop d’opportunités d’affrontements à ses contradicteurs tenaillés par l’envie d’en découdre, créditaient son image de quelque chose qui relevait presque du panache français.
Une double dérogation à la tradition sportive
Aussi, quelle déception, à la fois humaine et démocratique, que de savoir qu’après 1000 tergiversations, avant la finale de la Coupe de France, il avait validé une double dérogation à la tradition: il n’irait pas saluer les deux équipes de Nantes et de Toulouse sur le terrain avant le début du match, mais leur rendrait visite dans les couloirs et les vestiaires. Il ne remettrait pas la coupe sur le terrain, mais dans la tribune présidentielle. Je sais bien que pour ces deux entorses, d’excellents arguments sont formulés par les défenseurs de l’ordre, mais il n’en demeure pas moins qu’ils auraient été considérés nuls et non avenus si le président lui-même était demeuré fidèle à sa ligne de conduite habituelle: affronter, faire comme si de rien n’était, tenir son rang. Toutes les arguties sur les troubles politiques et sociaux ne dissimuleront pas ce constat: le président cède le pas. Et la place.
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D’autant plus que depuis la fin constitutionnelle, mais laissant un profond sentiment d’inachèvement républicain du débat parlementaire sur les retraites, il avait connu et subi bien pire dans le pays.
Et soudain, il se cache…
Je suis persuadé que cette double exception, avec un président « se planquant », contrairement à tout ce qu’on attendait, dans une compétition sportive qui ne pouvait pas, en cette période, ne pas faire surgir de la politisation, aussi intruse qu’on la considère, va aggraver le déficit dans l’opinion d’un président qui, depuis sa réélection et cette loi que beaucoup s’obstinent à récuser, se bat contre ce qui paraît un irrésistible courant hostile.
Sur un autre registre, sans la moindre comparaison évidemment, tant le présidentiel et ses craintes l’emportent sur le judiciaire et ses risques, je me souviens de certaines de mes sorties tardives de cour d’assises où, plutôt que de fuir par l’arrière, je passais par-devant, protégé précisément par cette démarche, respectée d’abord par ceux qui récusaient l’arrêt de condamnation. Ce soir-là, grande victoire pour Toulouse, sacré nouveau champion de France. Et dans tous les cas, une petite défaite, une déconvenue surprenante, une triste reculade s’ajouteront au passif présidentiel. On ne quitte pas impunément Cyrano pour Louis-Philippe.