Au panthéon des ordures de la collaboration, Abel Bonnard occupe une jolie place. Avec sa biographie, Benjamin Azoulay exhume cet écrivain, fasciste notoire et pétainiste emblématique qui, avec sa réputation d’homosexuel, a contribué à donner à Vichy des airs de cage aux folles.
La postérité n’accorde pas le même destin aux « plumes de la collaboration » : le génie de Céline assure l’immortalité à l’auteur des Beaux Draps en dépit de son antisémitisme forcené ; l’immense talent de Drieu La Rochelle le sauve de l’oubli. Quoique condamné à mort, Brasillach survit dans ses poèmes de Fresnes, et plus encore dans son Journal d’un homme occupé. Mais Abel Bonnard ? Il a disparu corps et biens avec l’effondrement du nazisme dont il a été, jusqu’au bout, le thuriféraire ardent et l’instrument zélé.
De l’écritoire au maroquin
Benjamin Azoulay nous livre aujourd’hui une passionnante biographie de ce « second couteau » affûté de la collaboration, passé sans coup férir des belles-lettres à la propagande, de l’Académie française à la tribune politique, de « l’écritoire au maroquin ». Mais cette figure pathétique, cette personnalité foncièrement antipathique et assidue dans l’erreur renvoie à la complexité de l’Histoire.

Sous cet angle, le normalien et chercheur exigeant qu’est Azoulay ne fait pas l’économie d’une contextualisation, attentif à restituer l’air du temps dans lequel a évolué Bonnard, il le portraiture sans le moraliser.
