Notre chroniqueur recommande au président de la République un référendum, comme une sorte de Baden-Baden…
Qu’on ne vienne pas soutenir que je parle trop d’Emmanuel Macron ici. D’abord on est libre de ne pas s’imposer la lecture des billets qui insupportent. Ensuite, même si le président est au centre de la réflexion, on peut poser sur lui divers regards qui renouvellent le sujet, je l’espère. Enfin il me paraît difficile, ces derniers temps, de faire comme si Emmanuel Macron n’existait pas. Pour le pire comme pour le meilleur.
Parce que c’était lui, parce que c’était nous
Une balise d’opinion Ifop-Fiducial pour Sud Radio, Paris Match et CNews, précisément, nous donne des indications éclairantes sur l’image du président un an après sa réélection. Elle est très négative. Si une majorité des Français interrogés le créditent pour « autoritaire », « vous inquiète » et à peine pour « a de l’autorité », l’essentiel est critique, notamment, in fine, pour le déni qu’il soit « sincère », « juste », « rassurant », « proche des préoccupations des Français » et, le pire, « capable de les rassembler ».
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J’entends bien que sur le plan purement politique, François Hollande a connu un sondage de moindre adhésion et que le pouvoir actuel pourrait se féliciter d’avoir eu un devancier plus maltraité que lui. Mais ce serait faire fausse route et d’ailleurs Emmanuel Macron ne joue pas du tout sur ce relativisme. Quand Jean-Jacques Bourdin, à Ganges pour Sud Radio, avec une courtoisie très directe, lui demande pourquoi il n’est pas aimé par les Français, le président prend acte de ce « désamour » et réplique que l’important n’est pas d’être aimé, pour lui qui est à la tête du pays mais d’accomplir, aussi difficile que cela soit, ce qui est nécessaire pour la France.
La réponse est convenue et par rapport à tous les verbes présidentiels ne tranche pas dans son registre mais avec une différence capitale : l’opposition à Emmanuel Macron n’est plus politique, même dans sa définition la plus large, mais humaine. Pour la majorité il s’agit de quelqu’un qu’on ne veut plus voir, dont la présence est insupportable parce que c’est lui. L’incompatibilité ne pourra pas se guérir par des réformes – à les supposer possibles – ni par des changements tactiques mais en acceptant, pour Emmanuel Macron, d’être attentif à cette malédiction d’aujourd’hui: quoi qu’il propose ou mette en œuvre de positif, sa parole n’a plus de force, son être ne convainc plus. Rien ne le fera monter dans les sondages qui relève des mécanismes classiques de la résurrection en politique.
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Déplacements tumultueux
Il ne lui suffira pas d’aller à la rencontre du pays, de sortir de l’Élysée avec les remous, les insultes, l’irrespect qui seront son lot quotidien et à un degré moindre celui de la Première ministre et de quelques ministres. L’unique solution, sans doute paradoxale, sera de sortir de lui. Puisque sa personnalité l’enferme et n’est plus décisive, bien au contraire, il convient qu’il s’en défasse et que sa stratégie actuelle, se dépouillant de ce qu’elle suscite d’inéluctablement à charge, accepte de chercher ailleurs qu’en lui-même les possibilités de la reconquête.
D’où ma comparaison à la fois historique et symbolique avec Baden-Baden. Ce qui avait été perçu comme un accès de faiblesse du président Charles de Gaulle s’était avéré être un coup de génie puisque, en ayant quitté la France, il avait retrouvé paradoxalement sa liberté, « regonflé » par le général Massu. Une initiative présidentielle proposant aux Français un référendum – ce ne sont pas les enjeux capitaux qui manquent – serait le Baden-Baden d’Emmanuel Macron. Il abandonnerait ce territoire intime, personnel, qui n’a plus la moindre efficience pour continuer à bien présider : il n’est plus la solution ni le remède, il est le problème et la crise.
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Par cette audace démocratique, il confierait le destin du pays aux Français eux-mêmes sur un thème essentiel. Certes, il prendrait un risque, celui d’être battu et d’en tirer les conséquences avec allure ou d’apparaître mauvais joueur pour la suite de son futur présidentiel. Mais une défaite, malgré son discrédit politique actuel, serait peu probable parce qu’enfin il manifesterait moins de souci de soi et de son image que d’esprit républicain et de partage. Par ailleurs la France attend depuis si longtemps qu’on lui permette de s’exprimer en profondeur et qu’on l’autorise à fuir ses colères, ses indignations et sa désaffection démocratique… Emmanuel Macron, ainsi, grâce à cet apparent abandon de sa maîtrise, la retrouverait et sans forcer le trait pourrait convaincre ceux qui ne l’aiment pas de le maintenir en vie politique parce qu’il représenterait une incarnation encore bien plus estimable que la gauche dominée, l’extrême gauche dominatrice et délibérément lanceuse de poudre révolutionnaire et le Rassemblement national dont la forme impeccable ne rassure pas sur le fond fluctuant et peu fiable.
Sortant de lui-même pour inciter les Français à ne plus compter que sur le seul amour ou désamour à son égard, il offrirait, il s’offrirait, une éclatante et libératrice décompression, une aurore dans un second quinquennat si mal engagé depuis un an. Son image présidentielle changerait puisqu’il ne serait plus là pour lui interdire de s’améliorer.
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