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Voyage sur La route bleue


Voyage sur La route bleue

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Pour ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’architecture, une visite à la Villa Empain s’impose car ce lieu a une histoire mouvementée. Réquisitionnée par les Allemands en 1943, prêtée par l’Etat belge à l’ambassade d’URSS dans les années 1950 et 1960, cédée ensuite à la radio RTL, cette villa construite en 1934 appartient désormais à la Fondation Boghossian. Le lieu entièrement rénové accueille depuis 2010 des expositions qui veulent « promouvoir le dialogue entre les cultures d’Orient et d’Occident ».

Dans la plupart des expositions on fait donc la part belle aux artistes originaires du Maghreb et du Moyen orient élargi, et La route Bleue, Périples et beautés de la Méditerranée à la Chine ne fait pas exception. Les deux commissaires ont rassemblé des œuvres liées à l’ancienne route de la soie et aux pigments bleus, tout en faisant une place à la riche symbolique de cette couleur. Une deuxième ligne directrice se greffe en cours de route pour aborder les échanges en Méditerranée : on s’éloigne ici un peu de la route de la soie. Ce n’est malheureusement que le premier problème que pose cette exposition où la couleur bleue semble parfois servir de simple prétexte… Enfin les commissaires ont choisi de présenter des objets artisanaux liés à la route de la soie, donc le visiteur peut admirer des céramiques ottomanes, des bijoux tibétains, des tenues cérémonielles chinoises en soie, prêtés selon les cas par le Musée Guimet ou la Cité de la Céramique de Sèvres. Les œuvres contemporaines s’articulent plus ou moins bien avec ces objets sortis de leur contexte.

Parmi les œuvres artistiques marquantes on peut tout de même citer une statuette d’Yves Klein  (France) qui réinterprète habilement en bleu Klein l’Esclave mourant de Michel Ange. Un peu plus loin Nabil Nahas (Liban) présente un long tableau composé de fibres semblables à des lichens dans des teintes bleues et violettes hypnotiques. À ’étage on passe rapidement devant les deux disques en céramique de Pierre Alechinsky (Belgique) pour admirer les créations contemporaines de céramistes libanais, turcs et japonais qui explorent toute la palette des bleus. Une petite sculpture d’Anish Kapoor (Royaume-Uni) attire le regard dans une vitrine : un disque en fibre indigo qui semble absorber toute la lumière environnante. Dans la salle suivante s’étalent sur les murs des cartes marines du golfe Persique recouvertes de gouache bleue pâle : Chantal Talbot (Belgique) propose ici un voyage poétique imaginaire vers l’Orient. Au sous-sol l’espace ne flatte malheureusement pas les œuvres présentées : seul le minaret renversé de Sahand Hesamiyan (Iran) sort du lot, nimbé de lumière noire.

Au final l’exposition souffre d’un manque de structure tant les œuvres choisies diffèrent par leur statut (œuvres d’art ou artisanat) et leur force. De plus, les commissaires ont voulu intégrer des artistes qui investissent le champ politique, ce qui achève de déséquilibrer l’exposition. Quel rapport entre les tapis de prière découpés et recousus de Mounir Fatmi (Tunisie) et les costumes d’apparat de la dynastie chinoise Qing, à part la soie ? Il en va de même pour certaines œuvres qui « dénoncent » la fermeture des frontières européennes ou le sort des migrants (Nicola L. et Driss Ouadahi). Bref à courir plusieurs lièvres à la fois les commissaires se sont pris les pieds dans le tapis : à vouloir réunir l’artisanat asiatique, la symbolique du bleu, l’art contemporain, les revendications politiques ou religieuses cette exposition n’explore aucun des thèmes entièrement. On se consolera en contemplant la magnifique architecture Art Déco de la Villa Empain et les quelques belles œuvres que contient quand même l’exposition.

La Route Bleue, jusqu’au 9 février 2014, Villa Empain (Bruxelles).

*Photo: Tarek Al-Ghoussein © de l’artiste / Courtesy of The Third Line, Dubaï



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garde un attachement indéfectible au monde arabe depuis son enfance passée en Irak dans les années 1980 . Elle est spécialiste des langues et des cultures du Moyen-Orient. Depuis quelques années elle mène une vie parallèle dans le monde de l'art en tant que photographe.

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