Pour la deuxième année consécutive, l’hebdomadaire de droite, Valeurs actuelles, organisait son grand barnum au Palais des sports, porte de Versailles. Debriefing.
Cette année, pas de Gaspard Proust en culotte de peau, mais un Geoffroy Lejeune à la guitare tentant de reprendre timidement du Vianney ! C’est moins cher, et presque aussi efficace. Le leitmotiv de la soirée, comme l’indique notre titre, c’était donc le débat ; puisqu’il n’y a pas toujours une place en France pour la vraie confrontation des idées, puisque chaque chapelle a souvent le tort de faire sa vie de son côté, Valeurs actuelles entendait organiser de vrais duels.
Face à Jordan Bardella (RN), Stanislas Rigault (Reconquête) ou François-Xavier Bellamy (LR), lesquels jouaient en quelque sorte à domicile, l’ancien Premier ministre Manuel Valls et le journaliste écolo agaçant Hugo Clément ont eu le courage de faire le déplacement et de descendre dans l’arène.
Un petit coup d’œil en coulisse 19h20. Le Palais de Sports est déjà rempli à moitié. « Une dose de stress, mais nous sommes confiants, on va passer une bonne soirée », me confie un des organisateurs. L’atmosphère est déjà électrique. Dans le tintamarre général, j’aperçois Hugo Clément dans un coin les bras croisés. Le journaliste et militant écologiste sort de sa bulle, et m’adresse un sympathique et souriant « bonjour ». Stressé ? Probablement. À l’écart ? C’est certain. Plus loin, les droites se saluent… Marion Maréchal s’adresse amicalement au député RN Hervé de Lépinau, après avoir conversé avec l’ancien Premier ministre de gauche Manuel Valls. Stanislas Rigault, le jeune patron de Génération Z, arrive un peu plus tard d’un pas assuré, avec toute sa clique de jeunes, clopes aux becs. 19h55. À quelques minutes du lancement de la soirée, la tension monte d’un coup parmi les organisateurs. Quoi de mieux qu’un petit avertissement humoristique, de Geoffroy Lejeune, envers les probables et redoutées pulsions femen ? « Ne faites pas ça, vraiment ! Je connais les gars de la sécurité, ils ne font pas de différences entre une féministe et un djihadiste ». L’année dernière, les féministes avaient interrompu Zemmour. Cette année, la soirée se déroule sans encombre. Presque dommage… Xavier Lebas. |
Premier débat et politique fiction
Le premier débat a opposé François-Xavier Bellamy à Manuel Valls. Le député européen est un peu trop jeune pour avoir à endosser le bilan de l’UMP et, fort de sa virginité, il a pu asséner quelques tacles à l’ancien Premier ministre socialiste revenu de Barcelone, dans un esprit toutefois courtois et républicain. À demi-mot, Manuel Valls a concédé que son ton quelque peu agressif, lorsqu’il était au pouvoir, n’avait pas contribué à la sérénité des débats politiques. Auteur d’un livre sur le courage, publié ces jours-ci, et dans lequel il rend hommage tour à tour à Charb, à Charles de Gaulle ou aux 343 salopes, Manuel Valls semblait revenu assagi de sa virée espagnole.
Mais, entre « Valeurs actuelles » et le Franco-Espagnol, la relation reste ambiguë: la fameuse “droite des valeurs” n’a pas complètement oublié sa gestion de la Manif pour tous, et les quelques gaz lacrymogènes tirés lors de manifestations alors qu’il était à l’Intérieur. Toutefois, on sait à droite reconnaître la figure d’homme d’État à celui qui a eu à gérer les terribles attentats islamistes. En 2021, Manuel Valls appelait à voter Valérie Pécresse lors des régionales, contre la coalition de gauche. Dernièrement, il appelait à une alliance LREM-LR. Et si ? Et si ? Et si ? Et si un jour Manuel Valls était capable de mobiliser derrière son coup de menton énergique ce qu’il reste de la droite et de la gauche républicaines ?
Hugo Clément face à un public de droite: mieux que la corrida!
En attendant, désolé Monsieur le Premier ministre, mais la véritable attraction de la soirée c’était quand même… Hugo Clément! Quand il a été annoncé à la salle que c’était son tour, tout le monde avait un peu peur de le voir lâché dans l’arène, tel un jeune veau, face à un public hostile. Mais, le journaliste a finalement fait mentir une couverture de Valeurs actuelles qui le présentait comme un « sectaire » de l’écologie « anti-joie de vivre ». Face à un Jordan Bardella bien décidé à se saisir des thèmes écologiques, Hugo Clément est même parvenu à récolter quelques applaudissements. Oh ! bien sûr, l’alliance électorale n’est pas encore pour demain – on a même vu quelques aficionados de la chasse à courre dans la salle – mais l’ancien journaliste de Quotidien a rappelé qu’après tout, le ciel allait tomber sur la tête de tout le monde et qu’il s’inquiétait du péril climatique aussi pour les gens de droite et les électeurs du RN. Il a par ailleurs opportunément cité un sondage qui indiquait que les électeurs RN étaient parmi les plus hostiles à la corrida et à la chasse à courre. Habile manière de rappeler que sur les questions écologiques ou animalières, entre les militants qui se mobilisent au Trocadéro ou vont aux soirées de Valeurs actuelles et la base électorale, il y a un léger hiatus sociologique… En attendant, creusez vos piscines dès maintenant, réservez vite vos 4×4 en concessions, car Hugo Clément risque bien de nous interdire bientôt tout cela avec ses camarades écolos. Une journaliste de gauche me glisse: « Faites-le taire, il va finir par nous rendre Bardella sympathique »…
Consigny et Rigault s’amusent avec le public
Finalement, la vraie tête à claques de la soirée a peut-être été l’avocat médiatique Charles Consigny, lequel était opposé à Stanislas Rigault. Engagé chez LR, héritier d’une droite chassée du pouvoir en 2012 mais se considérant comme la seule vraiment légitime à occuper le pouvoir, il a fait une promesse: avec lui, il n’y aura ni alliance avec Macron, ni avec Zemmour, ni avec Le Pen. Pas question d’union des droites. Le simple emploi, dans sa bouche, du terme diabolisateur « extrême-droite » suffit alors à déchaîner le public, largement frontiste et zemmouriste. À la surprise générale, c’est bien Consigny qui était hier soir l’invité ayant essuyé le plus de brimades – à en rendre jaloux Hugo Clément. L’accueil que lui a réservé le public a rappelé la très difficile intervention de Valérie Pécresse, l’année dernière. Stanislas Rigault n’hésita pas, d’ailleurs, à rentrer dans le jeu de la foule railleuse, en appuyant où ça fait mal: « LR, vous êtes dans la merde ! »
La soirée, bien organisée, a réuni hier soir un parterre plutôt acquis à l’union des droites. Pourtant, paradoxalement, on sentait que la dernière période électorale avait contribué à diviser encore un peu plus les troupes. Enfin, face à l’émergence de Chat GPT (sujet qui a fait l’objet d’un débat stimulant entre Jordan Bardella et Olivier Babeau, durant lequel on s’est demandé s’il pouvait vraiment exister un point de vue de droite contre un point de vue de gauche), cela a semblé un peu dérisoire…
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