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Tanya Lopert: presque célèbre!

"Mémoires d’une comédienne ratée" de Tanya Lopert – L’Archipel


Tanya Lopert nous raconte sa drôle de vie d’actrice au contact des géants du cinéma.


Que la lumière est difficile à atteindre ! Que lui a-t-il manqué pour « exploser », pour accéder enfin au statut de comédienne reconnue et adulée ? Du caractère, de la persévérance, de la chance, une volonté farouche et obstinée d’arracher les rôles, d’alpaguer les réalisateurs, de réussir coûte que coûte, de croire en sa bonne étoile et de tracer son chemin imperturbable aux mouvements des autres.


Et cependant, Tanya Lopert, Franco-américaine née à New York en 1942 ne manque ni de chien, ni d’audace, de fragilité et d’éclat également ; malgré une carrière honorable, elle se qualifie elle-même de comédienne ratée dans ses mémoires qui paraissent ce printemps à l’Archipel avec une préface de Danièle Thompson, son amie fidèle. Vous la connaissez, son visage ne vous est pas inconnu.

Fausse ingénue ou vamp neurasthénique

Vous l’avez forcément vue dans quelques productions internationales et comédies françaises des années 1970, chez de Broca et surtout chez Lelouch. Ne la confondez pas avec sa presque homonyme, Tanya Roberts, James Bond girl disparue récemment qui paradait au bras de Roger Moore dans « Dangereusement vôtre ». Tanya Lopert est une grande gigue auburn aux yeux tristes, une Barbra Streisand filiforme à l’humour désaxé, une rigolote intello au sourire mélancolique, capable de jouer aussi bien les nunuches érotiques que les tragédiennes possédées. Une blonde choucroutée en maillot deux pièces, fascinante en fausse ingénue ou en vamp neurasthénique, qui touche par son innocence bafouée et son côté élève appliquée.

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Elle avait pourtant dans sa palette de jeu, cette beauté équivoque emplie de sanglots, de quoi supplanter bien d’autres actrices de sa génération, plus fades et plus capricieuses, mais aussi plus combatives et acharnées. Le destin est ainsi fait, le cinéma est une arène où les égos se fracassent, les meilleures places sont l’objet d’un combat féroce. Peut-être qu’à un certain moment, elle aurait pu casser ce plafond de verre, notamment au théâtre où le public français loua l’intensité de son regard et sa sensibilité à fleur de peau, sa drôlerie émouvante et son détachement de cow-girl. Elle aurait excellé dans la comédie romantique. Elle avait de réels atouts pour accéder à une carrière de premier plan, et puis l’étincelle ne s’est pas produite, ou pas suffisamment forte et vigoureuse pour entraîner tout le métier derrière elle. Je pense également ici à Christine Dejoux qui aurait mérité un autre éclairage, après des débuts prometteurs. Tanya Lopert ne cache rien de ses doutes, de ses espoirs, de ses angoisses et aussi de son amertume qu’elle contrebalance en énumérant les rencontres incroyables faites au cours de sa vie. Cette mise à nu est assez rare dans une profession qui a le souci du secret et des faux-semblants.

Tanya ne tait rien, n’accuse personne de ses « échecs », elle se confesse avec un total abandon, sans être impudique, elle sait se tenir. Enfant, elle patinait au Rockefeller Center durant les fêtes de Noël. Outre les tourments d’une actrice qui peine à trouver son espace, ses mémoires sont un voyage dans le temps, celui des monstres sacrés d’Hollywood. Parce que Tanya a fréquenté, a déjeuné, a nagé, a dormi, a vécu au milieu des légendes du cinéma, celles qui suscitent aujourd’hui des documentaires sur Netflix et des expositions photographiques dans les musées nationaux. Elle n’a pas regardé par le trou de la serrure les « beautiful people » patauger dans leur malheur ou leurs excès, elle a participé à cette bacchanale, elle a été au cœur de cet Âge d’or.

Une vie de femme et d’actrice amputée

On en prend plein les yeux, on passe d’un dîner avec Sinatra à une soirée à Vegas, de vacances romaines à un tournage épique, de Fellini à Clint Eastwood, des Strasberg à Burt Reynolds, de Marylin à Depardieu. Tanya était la fille d’Ilya Lopert, producteur et distributeur puissant des années 1950/1960 et fut l’épouse de Jean-Louis Livi, agent puis producteur, accessoirement neveu de Montand. « Je n’ai jamais fait de plan de carrière, mais j’ai toute ma vie attendu le premier rôle, celui qui ferait de moi la star que je rêvais d’être sur grand écran », avoue-t-elle. Tanya ne cherche pas à faire pleurer, à se trouver des excuses, elle déroule sa vie d’actrice amputée et de femme. Les voyeuristes que nous sommes se régalent de ses confidences sur Romy, sur Jane Fonda, sur Marco Ferreri, sur Katharine Hepburn, sur Deneuve ou sur Marthe Keller.

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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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