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Soft power: défendre l’identité française

Il nous faut plus de "puissance douce"


Soft power: défendre l’identité française
Le président Macron arrive à Pékin pour une visite de 3 jours en Chine, 5 avril 2023 © Jacques Witt/SIPA

Si même le Qatar parvient à paraitre moderne et progressiste aux yeux du monde avec son média très woke AJ+ et son Mondial de foot, la France devrait bien pouvoir essayer de mieux tirer son épingle du jeu, non?


Au dernier trimestre 2022, la célèbre Revue Politique et Parlementaire dirigée par Arnaud Benedetti publiait un excellent numéro intitulé « Mythes et réalités : le vrai pouvoir du soft power ».

À l’heure du retour des conflits militaires, d’aucuns se diront peut-être que le concept a fait son temps et que le monde que nous envisagions après la chute du Mur de Berlin n’est déjà plus qu’un songe. L’art de convaincre ses interlocuteurs et de les faire adhérer à des valeurs partagées reste pourtant un essentiel à maîtriser dans les rapports contemporains qu’entretiennent les nations ; un art que la France aurait tort de négliger.

C’est au début des années 1990 que Joseph Nye a théorisé la notion dans son ouvrage Bound To Lead. Le professeur de relations internationales à Harvard affirmait alors que les Etats-Unis n’allaient pas rentrer dans le rang, mais, qu’au contraire, leur capacité à séduire et à persuader des Etats sans avoir à user de la puissance de leurs armes s’affirmerait encore avec le temps. Il faut entendre la question du soft power de manière élargie et protéiforme. Les Etats dépendent, de la même manière que les individus, des représentations qu’ils projettent d’eux-mêmes, c’est-à-dire de leur image, de leur histoire, de leur rayonnement technologique, de l’attractivité de leur modèle de société, et donc de leur identité. Le Royaume-Uni de l’ère victorienne fut l’une des premières puissances à comprendre l’intérêt du softpower, exportant ses héros de romans comme Sherlock Holmes et son mode de vie.

Tant d’atouts

La France a, en la matière, bien des atouts à revendre qu’elle n’exploite que trop peu. Il s’avère parfois même que ce soit des étrangers qui affirment son « soft power » pour elle. La série Emily In Paris en fait la parfaite démonstration. Diffusé sur Netflix, ce succès international narrant les péripéties d’une jeune Américaine s’installant à Paris, incarnée par la jolie Lilly Collins, fille du célèbre batteur de Genesis, a permis de faire rêver de nouveau avec notre capitale – Dieu sait que ça n’était pas gagné -. Un coup de projecteur bienvenu qui a d’ailleurs contribué à relancer notre tourisme dans le contexte de l’après covid.

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L’idée qu’un pays peut faire plus que ce que les outils militaires et diplomatiques traditionnels ne lui offrent se décline de milles manières: gastronomie, sport, musique, mode, brevets, etc. Et bien évidemment, les Américains le savent, en utilisant des outils plus « durs » tels que la force de l’extraterritorialité de son domaine juridique, de nombreuses ONG, ainsi que sa présence dans les institutions internationales et autres organismes de surveillance. Un contre-exemple serait la Russie qui s’est sentie obligée d’utiliser les armes contre l’Ukraine parce que son pouvoir de séduction a été particulièrement défaillant dans les pays issus du démantèlement du bloc soviétique, Moscou perdant en influence politique année après année parce qu’elle échouait à rendre son modèle politique et social attractif aux yeux de ses voisins.

LVMH, Le Louvre…

La France n’est pas non plus championne en la matière. Elle est présentement attaquée jusque dans ses domaines de spécialité, ceux qui ont longtemps fait sa renommée et son prestige. Notre gastronomie ne jouit ainsi plus d’une situation de monopole comme ce fut longtemps le cas. Nous avons été dans l’obligation de lancer La Liste, une sélection concurrente de The world’s 50 best restaurants sponsorisée par San Pellegrino, puisque cette dernière ne laissait que la portion congrue à nos grands chefs…

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Nous connaissons en revanche un grand succès dans la mode qui a réussi, notamment grâce à Bernard Arnault et au groupe LVMH, à s’adapter à la nouvelle donne mondialisée, mais aussi dans les arts et la défense de notre patrimoine à l’étranger comme le prouve la réussite qu’est le Louvre Abu-Dhabi. Deux exemples d’ailleurs étrangement absents de la Revue Politique et Parlementaire. Inauguré le 11 novembre 2017, le Louvre Abu Dhabi est le plus grand projet culturel de la France à l’étranger qui nous a permis d’implanter le premier musée universel dans le monde arabe. Nous avons un porte-avions pour le rayonnement de notre culture et notre savoir-faire en Orient. Il s’agit là d’un des exemples les plus aboutis d’un soft power bien pensé, basé sur des valeurs fédératrices et positives. Il faut comprendre que la diplomatie culturelle de la France encadrée par la loi de finance ne bénéficie que d’un budget de 26 millions d’euros pour la coopération culturelle stricto sensu. Dans un cadre si contraignant, de telles initiatives sont des aubaines. Pour preuve, la méthode a été reproduite avec l’installation du Centre Pompidou West Bund Museum à Shanghai, après les installations d’antennes à Bruxelles et Malaga.

Agressive Russie

La France subit aussi le softpower de puissances étrangères. Celui de la Russie, particulièrement agressif, s’appuie sur les médias alternatifs et le dénigrement. Quant au travail américain en la matière, il est presque inutile de s’y attarder, tant la puissance de la production culturelle et du droit de cet Etat agissent comme un rouleau compresseur. Des acteurs plus modestes interviennent uniquement dans ce domaine, faute de pouvoir compter sur une armée et un Etat puissant. Le Qatar compense ainsi certains handicaps par sa puissance financière, achetant des clubs sportifs qui lui servent d’étendards, organisant de grandes compétitions internationales sportives, ou encore finançant des médias à l’image du paradoxalement très « woke » AJ +.

Dans la mondialisation, l’image d’un pays est sa vitrine commerciale. Les deux exemples arabes mentionnés ici démontrent que la meilleure stratégie possible est de miser sur nos propres forces et de ne pas subir la narration d’autres acteurs. La France est un bijou et elle doit valoriser ses atouts. Pour l’heure, nous n’avons pas encore totalement repris la main et la France continue d’être caricaturée. Son action en Afrique avait notamment fait l’objet d’une diffamation patente dans le film Wakanda Forever des studios Disney. Parfois, le thème de la France qui se rendrait à l’ennemi est aussi utilisé – alors que notre pays est, de tous, celui qui a livré et remporté le plus de batailles au cours de son histoire millénaire. Affirmons enfin notre spécificité aux yeux du monde. Défendre l’image de la France c’est aussi défendre notre civilisation et notre identité.



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Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

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