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Valls : come on Evry body !


Valls : come on Evry body !

Chouette, on en tient un ! À en juger par leur air gourmand, certains journalistes, à commencer par Françoise Degois, prêchi-prêcheuse en chef sur France Inter et dame de compagnie de Ségolène Royal, auraient bien vu Manuel Valls dans le rôle du nouveau diable raciste, lepénisé de l’esprit, qui n’a rien à faire au glorieux Parti socialiste. Et Valls, c’est quand même un autre gibier que Frèche. La preuve, c’est qu’il a le culot, en prime, d’annoncer qu’il est candidat pour porter les couleurs (un peu délavées, il est vrai) du PS à la prochaine présidentielle. Gonflé, le mec.

À vrai dire, on se demande où nos flics de la pensée avaient la tête. Il aura fallu une semaine pour que le crime de Valls soulève quelques cœurs. Qu’on en juge : le 7 juin pendant la visite d’une brocante à Evry, la ville dont il est le maire, alors qu’il était filmé par une équipe de Direct 8, il a, semble-t-il, déclaré qu’il faudrait rajouter « quelques blancs, quelques white, quelques blancos ». Je dis « aurais », parce que j’ai eu beau visionner et revisionner la vidéo, je n’ai pas entendu grand-chose.

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Enfin, Valls n’ayant pas démenti, supposons qu’il a vraiment dit ce qu’on dit qu’il a dit. Et donc, au bout d’une semaine, la moutarde est montée au nez de Faouzi Lamdaoui, membre du conseil national du PS et proche de François Hollande qui a qualifié les propos de Valls de « dérapage scandaleux » et demandé à Martine Aubry de les dénoncer. Bien entendu, Patrick Lozès, le patron du CRAN, lui a rapidement emboité le pas, sommant Titine et Valls de lui accorder un rendez-vous pour « connaître leur position sur la diversité ». Certains, soupçonneux par nature, remarqueront que l’indignation de Lamdaoui s’est manifestée le jour même où Valls sortait du bois en se déclarant, dans le JDD, « candidat à la primaire pour représenter la gauche et les socialistes ». Au passage, le député-maire d’Evry proposait de se débarrasser du mot « socialiste » (qui comme chacun sait ne redistribue pas) et dénonçait les « postures » et les « facilités » du PS. Autant dire que ce n’est pas gagné pour lui, même si, rue de Solférino, on ne semble guère avoir envie d’attiser cette polémique. Il est vrai que le déni de réalité érigé en pensée politique n’a pas donné jusque-là d’excellents résultats électoraux.

Reste à comprendre ce que Valls a proféré de si scandaleux. En somme, il a simplement remarqué sur un mode rigolard ce que n’importe qui peut voir à l’œil nu, autrement dit que les blancs sont désormais minoritaires, sinon à Evry, du moins dans certains de ses quartiers. Ah, c’est très mal de dire ça ! Attention, je n’ai pas dit que c’était faux : si c’est mal de le dire, c’est justement parce que c’est vrai. Est-ce raciste de remarquer ce fait, voire de le trouver problématique ? Pour nos belles âmes qui ne passent jamais le périph’, cela ne fait aucun doute. Ne devrait-on pas au contraire, s’enthousiasmer de voir la France se métisser au point que certaines de ses villes accueillent désormais plus d’habitants issus de l’immigration que de Français de souche ? On notera avec amusement qu’en juillet 2005 Stéphane Pocrain, ex-Vert passé au PS, avait fait exactement le même constat que Manuel Valls, sans susciter la moindre réaction : « Il faut que les Français blancs s’y fassent, avait-il dit. Bientôt ils ne seront plus majoritaires en France. Il suffit de se promener dans les rues de Paris et de prendre le métro pour s’en rendre compte. » En clair, on a le droit de compter les Arabes et les Noirs, à condition d’en être un soi-même[1. Moi perso, j’aime bien que les goys racontent des blagues juives.], et surtout de célébrer comme il convient toute avancée de la France multi-culturelle. A contrario, Siné a été attaqué par la LICRA pour ses propos sur le jeune Sarkozy et sa dame, mais aussi pour avoir écrit que, quand il se rendait au supermarché de sa ville (j’ai oublié s’il s’agissait de Bondy ou de Montreuil), il avait l’impression d’être à la mosquée. Quoi qu’en pensent les procureurs médiatiques, Siné a été relaxé par un tribunal de la République.

Au risque de rejoindre Valls et les autres dans l’enfer où rôtissent les racistes, je l’avoue : je suis d’accord avec lui. Non pas au motif d’une quelconque supériorité ethnique d’on ne sait qui, mais parce que n’importe quel gamin de n’importe quelle école d’Evry est capable de voir que l’intégration, ça ne marche pas quand les populations allogènes sont plus nombreuses que les indigènes. Et l’assimilation, mot qu’on n’ose plus prononcer malheureusement, encore moins. Autrement dit, si le génie national a toujours consisté à fabriquer des Français avec n’importe qui, c’est parce qu’il y avait des accueillis et des accueillants, des hôtes et des hôtes comme dirait Renaud Camus – j’aggrave mon cas. À partir du moment où des populations venues, comme on dit, d’autres cultures, sont majoritaires, on comprend bien qu’elles ne sont guère portées à faire l’effort que requiert toute immigration, à savoir le renoncement à certains éléments de son mode de vie et de sa culture contre la promesse d’une autre culture et d’une vie meilleure. Qu’on ne se méprenne pas : il n’est demandé à quiconque de renoncer à sa foi pour devenir français. En revanche, se balader en burqa, pratiquer la polygamie, envoyer ses filles au pays pour les marier voire les exciser n’est pas la meilleure façon de s’affirmer comme citoyen à part entière – et tout cela révulse mes copains arabes ou musulmans autant que les autres. Pour tout dire, cela ne me gênerait guère qu’on interdise aux femmes de porter dans l’espace public non pas le foulard islamique mais ces tenues sinistres qui cachent leurs visages et les font ressembler à des fantômes. Comme le remarquait il y a quelques années notre ami Elie Barnavi, en Occident, on montre son visage.

Tout le monde le sait et tout le monde le tait, nous avons un problème d’immigration, ou plutôt de Français issus de l’immigration, et ce problème n’est ni ethnique, ni racial. Il serait absurde de nier qu’il est en partie social mais il est autant et peut-être plus encore culturel. En vrai, ce qui donne l’impression aux habitants de certains quartiers d’être ailleurs, ce qui leur fait parfois penser ou dire qu’on n’est plus chez soi (le langage populaire est un peu plus brutal que la langue de bois des politiques) n’est pas que leurs concitoyens soient plus ou moins basanés, mais la transformation de la vie sociale elle-même : personne n’irait se balader en mini-jupe, même moi, dans certains quartiers. La ghettoïsation enferme et fige des modes de vie autant que des niveaux de vie. « La blague, à Evry, c’est qu’on compte les blancs », m’a dit récemment une connaissance habitant l’Essonne. Certes, on peut toujours faire dans l’angélisme, célébrer la diversité et multiculturalisme. Mais que signifie la diversité quand la culture d’accueil en est exclue ? Trouverait-on merveilleux que les blancs soient majoritaires à Dakar ou à Tokyo ? Imposera-t-on des touristes en shorts à Ryad ou Téhéran (alors que les habitants de ces villes ont au moins la chance d’être épargnés par ce fléau) ? Croit-on vraiment qu’un goy bon teint ou un juif de culture irait volontiers s’installer au milieu des loubavitchs du XIXe arrondissement de Paris ? On a le droit de penser que toutes les cultures et tous les modes de vie se valent – mais alors, il faut être logique.

« Il faut accepter de regarder la réalité en face », a déclaré Manuel Valls sur Europe 1. L’ennui, c’est que ce n’est pas la spécialité de la gauche et assez peu celle de la droite qui conjuguent assez bien leurs efforts pour criminaliser ce que pensent les « vrais gens ». Voilà des années qu’on explique aux Français, et en particulier à ceux qui vivent dans ce qu’on appelle « les quartiers » (expression venue d’Algérie), qu’ils ne vivent pas ce qu’ils vivent et qu’ils sont des salauds, voire des délinquants, de penser ce qu’ils pensent. On ne saurait trouver meilleur moyen de monter les populations les unes contre les autres. Et puis, s’il est criminel de croire que la France est un vieux pays chrétien et blanc et que tout le monde y est bienvenu à condition d’adopter ses valeurs – et, dans une certaine mesure, ses us et coutumes –, nous serons beaucoup à passer en procès. Alors, s’il ne se déballonne pas, je suis prête à voter Valls à la prochaine présidentielle. Je n’en dirais pas autant de la plupart de nos socialistes.

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Fondatrice et directrice de la rédaction de Causeur. Journaliste, elle est chroniqueuse sur CNews, Sud Radio... Auparavant, Elisabeth Lévy a notamment collaboré à Marianne, au Figaro Magazine, à France Culture et aux émissions de télévision de Franz-Olivier Giesbert (France 2). Elle est l’auteur de plusieurs essais, dont le dernier "Les rien-pensants" (Cerf), est sorti en 2017.

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