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L’automate à la caisse

Plaidoyer pour un libéralisme de la raison


L’automate à la caisse
© Unsplash

Toujours la même rengaine. Travailler deux ans de plus, sinon le système s’effondre. On connaît la chanson. On nous l’a serinée tant et tant de fois. Interdire le travail des gamins dans les mines, et le système s’écroule. Octroyer 12 jours de congés payés par an et c’est la Bérézina économique, la tiers-mondisation assurée. Réduire la journée de travail à dix ou neuf heures, faire du samedi un jour sans turbin, et le pays entier sombre dans une misère à la Zola. On a tellement entendu cette antienne, entonnée par les mêmes bouches de génération en génération, que seuls ceux qui la chantent peuvent encore faire semblant d’y croire. La chansonnette d’aujourd’hui tient en quelques mots: vous vivez plus longtemps, donc vous devez travailler plus longtemps, sinon le système des retraites capote. Ok, on vit plus longtemps qu’avant, mais pour chaque heure travaillée aujourd’hui, nous produisons aussi beaucoup plus de richesses que naguère. Combien d’heures d’usine pour sortir une auto voilà 30 ans, et combien aujourd’hui ? 

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En vérité, le libéralisme que prêchent les économistes de plateaux TV et des ministères est une hérésie, un libéralisme dévoyé, perverti d’un cynisme purement odieux. La finalité du libéralisme vrai, c’est-à-dire fondé sur une éthique, est l’homme. L’homme et sa liberté, l’homme et sa dignité notamment par la satisfaction de ses cinq besoins fondamentaux : se nourrir, se loger, se soigner, s’instruire, travailler. Tout autre chose donc que la croissance exponentielle du dividende… 

Pour ce libéralisme de la raison, ce libéralisme éclairé, ce libéralisme des Lumières, la fameuse répartition devrait se faire sur le fondement de la richesse générée et non uniquement sur le dos de celui qui la génère. Dès lors, une solution se profile, toute simple, trop simple sans doute : faire passer l’automate à la caisse. Chaque fois qu’un emploi salarié est remplacé par un automate, un logiciel, un robot, taxer – si peu que ce soit – la machine au profit des retraites. La prospérité du système serait assurée ad vitam, et accessoirement celle de ses bénéficiaires. Mieux encore, il n’est pas certain que, au bout du compte, le capital et son culte obsessionnel du dividende soient perdants. Tout au contraire : un retraité encore vaillant, pour ne pas dire jeune, financièrement mieux armé, consommerait plus longtemps puisque comme on nous le rabâche, il vit plus longtemps. (Cela soit dit en passant : c’est tout juste si nous ne devrions pas culpabiliser de ne pas avoir la bonté de crever à peine sorti du boulot, suivant en cela le douteux exemple de nos aïeux.)  En effet, l’économie de marché elle-même sortirait probablement requinquée de ce qui serait pour le coup une vraie réforme, surgie, elle, d’un authentique effort d’imagination. Une réforme de progrès, et non pas juste un aménagement d’âge. Oui, il se peut bien que finalement le capital aussi soit gagnant. Comme toujours, au fond.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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