Selon la presse olfactive, sur son vélib’, le chanteur populaire octogénaire fait une sortie de route…
Pierre Perret, 88 ans, avait jusque-là proposé des textes tantôt enfantins, tantôt paillards, parfois les deux. Mais tout compte fait, de nos jours, celui qui faisait scandale au début de sa carrière proposait des chansons assez souvent bien pensantes. L’Éducation nationale avait même fait de la chanson immigrationniste Lily, un véritable hymne obligatoire, étudié chaque année par nos chères têtes blondes. Quelle idée a-t-il donc eue de s’en prendre à la saleté de la capitale dans Paris saccagé ?
« Dans Paris, Paris dégoutant/ Seuls les rats sont contents/ Ils savent qu’ici les végans pas idiots/ Les nourrissent qu’avec du bio/ Pour traverser les tranchées les travaux/ C’est pire que le col de Roncevaux/ Les déjections qui fleurissent les trottoirs/ Décorent ce grand dépotoir ». Avec sa dernière chanson, Pierre Perret rejoint la cohorte des mécontents, ceux qui trouvent Paris dégueulasse. En 2021, le #SaccageParis avait connu un franc succès sur les réseaux sociaux, en diffusant les photographies peu ragoutantes d’une capitale délabrée. Anne Hidalgo avait alors accusé l’extrême droite de se cacher derrière tout ça, même si le hashtag avait été lancé au tout départ par un « citoyen progressiste modéré ».
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Les optimistes répondront que, sur le long terme, Paris a fait l’objet d’une aseptisation et que c’est bien parce que la ville est arrivée au bout du bout de ce phénomène que les dernières traces de saleté nous paraissent insupportables. En son temps, Baudelaire trouvait que Paris sentait le chou aigre, Lyon le charbon, Bruxelles le savon noir et l’Orient, le musc et la charogne. Ces dernières décennies, l’opinion des Parisiens sur la question de la propreté a été plusieurs fois mesurée, et elle a connu d’importantes fluctuations. En 1974, ils étaient 82% à trouver sale la capitale, contre 78% en 2021. En 1991, le chiffre était descendu à 53%, à l’époque où Jacques Chirac, armé de ses motocrottes, faisait son possible pour que les amoureux de Paris « s’y promène[nt] et puisse[nt] y rêver encore ».
La France Amélie Poulain…
Il n’en fallait pas plus pour que les plumes de Libération viennent à la rescousse de l’édile parisienne. Car Anne Hidalgo a beau avoir fait un score dérisoire à la dernière présidentielle, y compris dans sa propre ville, elle n’en reste pas moins une vache sacrée pour le bulletin paroissial de la gauche bourgeoise-bohème.
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D’après l’article publié par nos confrères, Pierre Perret aurait coché toutes les cases du tonton réac en s’en prenant aux tagueurs, aux trottinettes, aux végans et aux surmulots ! « Sur fond d’accordéon bien tradi » (on n’est pas passé loin du « Bien sûr, tout ce qui est terroir, béret, bourrées, binious, bref, franchouillard ou cocardier, nous est étranger, voire odieux » de BHL, NDLA), Pierre Perret véhiculerait le fantasme d’un Paris « figé dans le formol », celui d’Amélie Poulain. Sorti en 2001, le film de Jean-Pierre Jeunet était, il est vrai, d’une niaiserie insupportable, mais il s’était aussi vu reprocher à sa sortie de diffuser l’image d’une « France rétrograde, ethniquement nettoyée, nauséabonde ».
Tous des vieux cons !
Pierre Perret n’est pourtant pas la seule célébrité à se plaindre de l’évolution de la capitale ces dernières années. En 2022, Isabelle Adjani annonçait qu’elle pliait bagage et s’installait au Portugal. « Ce qu’est devenue cette ville est un mystère… Elle n’est sincèrement plus vivable ». En 1999, dans sa (très jolie) chanson Rive gauche, Alain Souchon reprochait aux « marchands malappris » de venir vendre « leurs habits en librairie ». Plus récemment, il complétait cette critique « de gauche » avec un point-de-vue plus « droitier », trouvant que la ville était devenue sale et violente, et admettant qu’il était devenu « un vieux con ».
Surtout, en conclusion, l’auteureuh de Libération nous suggère de nous retrousser les manches. Si Paris est si sale, nous n’avons qu’à nous en prendre à nous-mêmes, na, plutôt « que d’attendre des édiles qu’ils fassent le ménage ». C’est vrai, quoi: et si les habitants de Paris s’organisaient eux-mêmes en brigades pour nettoyer la ville ? Désintégration des services publics et do it yourself : nous voilà presque replongés dans l’Angleterre punk des années Thatcher!
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