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Le Maroc montre les muscles face à l’islamisme

Une politique rassurante pour l’Europe, qui a besoin d’alliés face à cet ennemi qui n’a toujours pas désarmé et a encore de la ressource


Le Maroc montre les muscles face à l’islamisme
Le Palais royal (« dar el-makhzen ») de Rabat, Maroc. D.R.

Le mercredi 15 mars, trois extrémistes affiliés à Daech ont été arrêtés par les services de renseignements marocains à Casablanca.


Alors que l’État Islamique a perdu tout son territoire depuis quatre ans, il apparaît que son fantôme vient aujourd’hui hanter le Maroc. En effet, par un communiqué de la DGSN marocaine, l’équivalent de notre DGSI, les Marocains ont été informés de la résurgence de l’organisation terroriste Daech, laquelle renaîtrait de ses cendres. Les trois extrémistes religieux arrêtés préventivement la semaine dernière, prévoyaient de « porter gravement atteinte à l’ordre public », selon les informations gouvernementales.

Un plan macabre

Leur plan était simple: tuer un policier, s’emparer de son arme pour braquer une agence bancaire, puis disparaître avec l’argent. Finalement, ils n’auront pu réaliser que la première étape de ce funeste projet. Le 2 mars, le corps calciné d’un policier casablancais était bien retrouvé dans un canal d’égout. Les terroristes avaient agi efficacement: alors que le gardien de la paix terminait son service de circulation nocturne, ils se sont emparés de sa voiture personnelle et de son arme de service avant de se débarrasser de son corps mutilé, aidés par un troisième complice. L’affaire fait grand bruit dans le royaume chérifien, alors que près de deux semaines ont été nécessaires pour retrouver les coupables.

La résurgence de l’État islamique 

L’État islamique n’était-il pas mort ? Depuis quelques années, les attentats organisés semblent avoir fui notre quotidien, laissant place à des attentats individuels (terrorisme artisanal). Doit-on s’inquiéter d’un retour du terrorisme international islamique ? Cette question mérite d’être posée. Emmanuel Macron annonçait, le 11 mars, que la France avait déjoué 70 tentatives d’attentats durant la dernière décennie.

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Jamais le Maroc n’avait connu d’attentat terroriste orchestré par Daech: d’habitude, c’est au Front Polisario (indépendantistes soutenus par l’Algérie) auquel Rabat fait face, ou à Al-Qaïda. Si l’État islamique privilégiait largement les États Occidentaux, laissant de côtés leurs « frères musulmans », les autorités marocaines précisent pourtant avoir démantelé 200 cellules terroristes en Afrique du Nord depuis 2003. Les trois « loups solitaires » de Casablanca semblent avoir abandonné cette règle pour commettre leur crime, tout en revendiquant leur allégeance à un nouveau « calife », qui répond au nom d’Abou Al-Hussein al-Husseini al-Qourachi, et qui a pris la tête de ce qu’il reste de Daech en novembre 2022. Ils prévoyaient de rejoindre le Sahel à l’issue de leur opération…

Plusieurs évènements font craindre un retour effectif de la terrible organisation. La fragilité du gouvernement irakien, couplée à l’importante quantité de familles de djihadistes dans le pays, pourraient conduire à une volonté de vengeance de leur part. L’Express publiait récemment un article-fiction dans lequel le Mali tombait aux mains des djihadistes, ce qui conduisait au retour de l’État islamique, en Afrique cette fois-ci. Le Maghreb pourrait bien être leur première cible. Le Sahel reste une poudrière, un Balkan africain qui menace d’exploser à tous moments sous l’effet des tensions ethniques et religieuses. De ce fait, il est essentiel de compter sur des alliés crédibles et engagés, cette arrestation s’inscrivant précisément dans ce cadre.

Des tensions politiques qui pourraient constituer un danger

Lundi 13 mars, le cabinet royal marocain fustigeait le comportement jugé « irresponsable » du Parti de la Justice et du Développement (PJD), formation d’opposition, d’inspiration islamiste, qui a reproché au Palais un supposé parti-pris pro israélien. Dans un communiqué, le PJD avait regretté les « prises de position récentes du ministre des Affaires étrangères, dans lesquelles il semble défendre l’entité sioniste (Israël) dans certaines réunions africaines et européennes, à un moment où l’occupation israélienne poursuit son agression criminelle contre nos frères palestiniens ».

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Ce recadrage s’inscrit dans un positionnement global marocain visant à équilibrer les relations internationales du Royaume en lui permettant, comme l’avaient prouvé les Accords d’Abraham de décembre 2020, de dialoguer avec Israël tout en conservant son autorité au sein du monde arabe. Lors des élections de fin 2021, les islamistes avaient été largement sanctionnés dans les urnes, avec la montée en puissance du Rassemblement national des indépendants de l’homme d’affaires Aziz Akhannouch. Après avoir réduit l’influence de l’islamisme politique, le Maroc semble bien décidé à creuser le sillon en combattant l’islamisme de combat dans les rues.

Une politique rassurante pour l’Europe, qui a besoin d’alliés face à cet ennemi qui n’a toujours pas désarmé et a encore de la ressource.




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Jeune (dés)espoir du journalisme politique. Etudiant, pigiste, et un peu poète.

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