Aux Pays-Bas, une révolte électorale paysanne vient de bousculer un monde politique jugé trop woke pour gouverner les classes moyennes et ouvrières. Sa principale bénéficiaire, Mme van der Plas, a fait campagne contre le plan azote gouvernemental.
Ce mercredi 15 mars, le Mouvement pour les Paysans et les Citadins, nommé BBB, dirigé par Mme Caroline van der Plas, a raflé la mise lors des premières élections provinciales. Fumeuse de cigarettes, le verbe haut et teinté parfois de vulgarité, « Caroline » a su exploiter le mécontentement d’un monde agricole jugé pollueur, riche et égoïste par l’élite politique et médiatique néerlandaise. Proche de la droite, ferme sur l’immigration, tançant la supposée mollesse des pouvoirs en place, Mme van der Plas se voit déjà à la tête d’un mouvement capable de mettre fin à la politique migratoire catastrophique du Premier ministre libéral, Mark Rutte, aux manettes depuis déjà 12 ans.
Dénoncer le mépris politique et culturel
Contre les projets environnementaux pour la réduction des émissions d’azote, le BBB se présentait en recours des « provinciaux » contre le dirigisme étatique. Ainsi les drapeaux du BBB ne tardèrent pas à longer les routes et envahir les villages où les habitants se plaignaient du manque d’écoles, d’hôpitaux, de commerces, et de transports en commun. Grogne qui parfois dégénérait en émeutes, comme lorsque le gouvernement imposa à des petites communes d’accueillir des centres pour des demandeurs d’asile. Exemple, selon BBB, de la façon dont l’Ouest du pays déverse ses indésirables sur des territoires jugés de second ordre, habités de ploucs. Mépris politique, mais aussi culturel, selon Mme van der Plas, qui aime fustiger la pratique des journaux télévisés néerlandais de sous-titrer certains « provinciaux » dont le dialecte serait incompréhensible pour d’autres habitants du Royaume.
Bien des Néerlandais maugréent que « leurs » paysans ont copié les méthodes des syndicalistes français, ces sauvages. Blocages des routes avec des tracteurs, assauts sur des bâtiments gouvernementaux, batailles rangées contre les CRS, visites musclées aux résidences de ministres et de parlementaires; ils ne sont pas du genre à prier un sous-secrétaire d’État de bien vouloir écouter leurs doléances.
Le BBB séduit aussi les citadins
Cependant, d’autres Néerlandais ont pris cause pour ces compatriotes se battant pour défendre leur travail, leurs régions et leurs accents, bien loin des préférences globalistes et multi-culturelles de ceux qui les gouvernent. Le drapeau du BBB flotte désormais aussi parfois dans des centre-villes d’Amsterdam et de Rotterdam, ce mouvement ayant fini par recruter bien au-delà du monde agricole. Selon des sondages effectués à la sortie des urnes le jour du vote, un tiers de son électorat habite les grandes villes, un cinquième les villes moyennes.
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Selon le résultat officiel, les candidats du BBB arrivèrent largement en tête dans les 12 provinces que compte le royaume. Le parti ne fut pourtant fondé qu’en 2019. Mme van der Plas détenait le seul siège du BBB dans la Chambre Basse du parlement, à La Haye, qui en compte 150. Désormais, le parti dominera le Sénat. Ses 75 membres seront désignés par les nouveaux élus des provinces. La coalition gouvernementale centriste de M. Rutte y est minoritaire. À Mme van der Plas donc de lui soustraire des concessions en échange d’une tout autre politique dans les domaines de l’agriculture et de l’immigration. Elle aura soin de ne pas dilapider son capital électoral, comme sut le faire le très droitard Thierry Baudet, le grand vainqueur du même scrutin il y a quatre ans.
Le cauchemar des écolos aime se victimiser
Mme van der Plas, 55 ans, veuve depuis 2019 et mère de deux enfants, se dit victime d’une campagne de haine et craint de subir le sort de Pim Fortuyn, assassiné en 2002. Pour cela, elle renonça à s’adresser à la foule lors de la dernière manifestation paysanne avant le scrutin. Les médias et les politiques de gauche, accusés d’avoir diabolisé M. Fortuyn et d’ainsi avoir inspiré son assassin, n’ont toutefois pas encore récidivé à l’encontre de Mme van der Plas. Celle-ci est copieusement détestée par ceux qui l’accusent d’être à la solde de puissants groupes agro-alimentaires néerlandais, présents dans le monde entier, ravis de voir émerger depuis quelques années cette nouvelle figure qui lutte contre les plans de réductions des cheptels et refuse de rendre des champs cultivés à la nature. Le gouvernement hollandais entend réduire de 50% les émissions d’azote, d’ici 2030, un gaz émis notamment par les engrais et les effluents d’élevage. Un objectif menacé par le triomphe du BBB.
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Les défenseurs de la nature accusent Mme van der Plas de promouvoir une vie champêtre parfaitement idéalisée, loin de la réalité de l’agriculture et de l’élevage intensifs qu’elle défend en réalité, désastreux pour la nature. Son passé de journaliste pour le magazine Pig Business, distribué par l’industrie du porc, et de porte-parole pour une association d’éleveurs nourrissent la méfiance à son égard. Baskets, ongles peints en vert fluo, et, osons le dire, en léger surpoids, « Caroline » n’a pas à se forcer pour faire peuple. Rien à voir avec les dandys Pim Fortuyn ou Thierry Baudet, ces espoirs déchus de la droite dure néerlandaise, intellos et si bien mis.