Où qu’elle aille, Afida Turner suscite la gêne ou l’admiration. Vulgaire pour les uns, iconique pour les autres, sa façon de jouer de son corps va à l’encontre des codes du nouveau féminisme. Discussion sans tabou avec un phénomène de société. Propos recueillis par Yannis Ezziadi.
Plus qu’une simple chanteuse, Afida Turner est un monstre de scène doublé d’un monstre médiatique. Révélée par une émission de téléréalité sur M6 en 2002, elle s’installe ensuite aux États-Unis pour tenter l’aventure américaine. Là-bas, elle est un temps la compagne du célèbre rappeur Coolio, puis celle de Mike Tyson, avant d’épouser Ronnie Turner (fils d’Ike et de Tina Turner), mort le 8 décembre 2022 d’un cancer foudroyant. Célèbre pour des séquences télévisées survoltées chez Jean-Marc Morandini ou encore Thierry Ardisson, chacune de ses apparitions repousse les limites du bon goût et du raisonnable. Son dernier single, Étienne, révèle son talent électrique. Mais même lorsqu’elle chante, tout en elle respire un parfum de scandale. Latex, body, collier de chien, jaillissante crinière blonde, griffes vernies, elle se caresse, hurle le sexe, se jette à quatre pattes au sol, se traîne, se cambre félinement, provoque la gêne et l’éblouissement ! Bimbo vulgaire pour les uns, diva trash et iconique pour les autres, elle est à la fois adulée et méprisée. Sa présence sur un plateau garantit des records d’audience. Icône gay hystérique, chanteuse rock tout droit sortie d’un club sado-maso, professionnelle de la provocation, Afida Turner est inattendue et inclassable. Du happening en string au soutien à Donald Trump en passant par l’apologie de l’uniforme à l’école, elle est avant tout une femme libre, et un pavé furieusement jeté dans la mare du bon goût très vulgaire de la bien-pensance petite-bourgeoise. Afida Turner sur scène, ce n’est ni bon ni mauvais, c’est au-delà. Mon intérêt pour cette créature surréaliste suscite l’incompréhension d’un certain nombre de mes amis. « Mais je ne comprends pas, qu’est-ce que tu lui trouves pour retourner la voir trois fois dans cette pièce de théâtre ? » Lâchez-moi ! Je lui trouve je ne sais quoi que je ne trouve nulle part ailleurs. Il ne me vient pas à l’idée de me demander si elle est bonne actrice ou non, bonne chanteuse ou non. Je suis scotché, déstabilisé, hystérisé, électrisé ! Je suis dans une espèce de sidération face à cet ouragan de sexe et de cris, face à cette rockstar bordéliquement réinventée par un savant fou dadaïste dans quelque mystérieux cabinet. Afida Turner me libère de la question du bon goût, puisqu’avec elle il est dépassé, écrasé, ridiculisé par les hurlements rauques de la divine féline, chassé à grands coups de botte en latex au cul. Place au show ! Pour toutes ces raisons, Afida Turner avait toute sa place dans une revue aussi libre et subversive que notre cher Causeur, et aucun doute que ça fera causer !
J’étais la petite nana de banlieue comme on en voit plein. Une petite banlieusarde comme une autre
Pour cet entretien, elle nous donne rendez-vous au Limon, rue de Marignan. Cela fait trente minutes que nous l’attendons. Nous nous remettons d’une longue nuit de négociation sur la possibilité de la prendre en photo. Ne photographie pas Afida qui veut ! Elle arrive, la tête emmitouflée dans un châle, accompagnée de son assistant, un jeune homme qu’elle surnomme « La Marocaine ». Entrée tonitruante dans le bar : « Hello everybody ! » Elle traverse l’endroit telle une tigresse et fonce vers une table occupée. « Bonjour, monsieur, normalement, c’est ma table celle-ci ! Bon… on va vous laisser
