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«Une Ukraine qui glorifie les génocidaires n’a pas sa place dans l’UE»

Perfectible Ukraine, un entretien avec Arno Klarsfeld


«Une Ukraine qui glorifie les génocidaires n’a pas sa place dans l’UE»
Arno Klarsfeld. ©Jacques BENAROCH/Sipa

Si Vladimir Poutine est le premier responsable de la guerre actuelle, il ne faut pas écarter la responsabilité des États-Unis dans la longue escalade qui a précédé le conflit. Mais surtout, il est impossible d’accueillir l’Ukraine au sein de l’UE tant que celle-ci érigera en héros des génocidaires comme Bandera. Propos recueillis par Gil Mihaely.


Causeur. Vous avez appelé récemment à un accord de paix entre l’Ukraine et la Russie. Pourquoi, selon vous, les Russes et les Ukrainiens ne sont-ils toujours pas en train de négocier un tel accord ?

Arno Klarsfeld. Parce qu’une fois que les passions humaines se mettent en branle, une fois qu’il y a de nombreux morts d’un côté comme de l’autre, il est difficile de mettre les deux protagonistes autour d’une table de négociations. D’autant que les Américains veulent affaiblir la Russie avec les troupes ukrainiennes, sans entrer eux-mêmes dans le conflit. Mais aussi parce que l’Europe se sent menacée, que le droit international a été bafoué.

Qui en porte la responsabilité ?

Poutine est le premier responsable ! Il a commencé cette guerre alors qu’il n’y avait pas de menace immédiate à l’encontre de la Russie. Il avait déjà la Crimée, il avait déjà une partie du Donbass ! Mais l’OTAN porte une part de responsabilité, dans le sens où depuis 2014, elle a laissé l’Ukraine bâtir son identité sur une haine viscérale de la Russie, démolir les monuments commémorant la victoire sur le nazisme et ériger des monuments à la gloire de ceux qui avaient combattu les Soviétiques et massacré des dizaines de milliers de juifs.

L’OTAN, à ce moment-là, pouvait faire pression sur l’Ukraine, car elle l’armait. Elle aurait pu dire : « Trouvez une solution raisonnable avec les Russes. Vous voyez que Poutine est un dictateur, vous savez comment, poussés dans leurs retranchements, ils peuvent réagir. Essayons de trouver une solution raisonnable, ne demandez pas à entrer dans l’OTAN. » Cela n’a pas été fait, donc on a laissé la situation s’envenimer.

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Poutine viole le droit international, mais il faut lui faire des concessions car c’est un voyou ?

Le régime ukrainien est aussi peu démocratique ou presque que le régime russe. C’est un régime oligarchique où la liberté des médias n’est pas meilleure qu’en Russie et où il y a le même niveau de corruption. En plus l’Ukraine dresse des monuments à la gloire de collaborateurs nazis.

Tout de même, il faut se demander comment un peuple qui faisait partie de l’URSS et lui a donné beaucoup de dirigeants est devenu une nation fondée sur la haine de la Russie ?

Ceux qui défendaient l’Ukraine et son ancrage occidental en 2014 appartenaient à l’extrême droite. Ce sont les nationalistes qui ont fait la révolution de Maïdan. Ces jeunes étaient aguerris, courageux, prêts à mourir et ils avaient la haine des Russes. Et ce sont eux qui ont pris le pouvoir.

Les dirigeants ont une responsabilité vis-à-vis de leur peuple, de leur permettre d’avoir une certaine liberté et d’être heureux et de ne pas mourir inutilement. Les Ukrainiens auraient dû faire comme la Finlande : l’URSS pesait sur ce pays où il ne fallait pas dire trop de mal des Russes, mais les Finlandais avaient une certaine liberté, ils vivaient heureux et indépendants.

Vous n’êtes pas très exigeant en termes de liberté. Il fallait aussi mettre une raclée à l’Armée rouge.

L’Ukraine voulait être indépendante, se rattacher à l’Occident, ce qui est tout à fait compréhensible. Mais elle a été imprudente et le résultat est là. L’Ukraine ne va sans doute pas gagner la guerre. Elle peut contenir peut-être les Russes, mais le résultat sera terrible pour la population. Et du point de vue moral, toutes les villes ukrainiennes dont on parle aujourd’hui parce qu’il y a des combats ont vu des pogroms menés par la population ukrainienne. Le régime ukrainien non seulement le dissimule et ne le commémore pas, mais en plus glorifie ceux qui ont permis ces pogroms.

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Il y a quelques jours, une cérémonie a eu lieu à Babi Yar à laquelle Zelenski, qui est juif par ailleurs, a assisté.

Oui, mais le mémorial de Babi Yar a été bâti avec des fonds privés et le rôle de l’Ukraine dans ces massacres y est caché. Je vous rappelle que la route qu’on emprunte pour aller à Babi Yar, sur les lieux du massacre, s’appelle depuis 2014 avenue Stepan Bandera.

En quoi cela amoindrit-il le droit de l’Ukraine à l’autodétermination ?

En rien. Aucun des deux régimes ne m’est sympathique. Je dis que l’Ukraine a été agressée, que Poutine est un dictateur, mais je dis aussi que si l’UE parle de corruption, elle doit aussi parler de la glorification de génocidaires comme Bandera. Et elle ne le fait pas parce qu’elle ne veut pas gâcher son récit d’une Ukraine angélique. L’UE a donné à l’Ukraine le statut de pays candidat. Désolé, mais si vous voulez accueillir l’Ukraine, alors vous devez lui demander d’adhérer à nos valeurs forgées dans la victoire contre le nazisme. On doit leur dire qu’il est hors de question qu’une Ukraine qui glorifie des génocidaires entre dans l’UE.

Comprenez-vous que vos prises de position sont perçues comme un soutien à Poutine ?

Non, parce que ce n’est pas le cas ! Si on est épris de liberté, Poutine est terrible. Mais en même temps le niveau de vie a monté, le niveau des pensions de retraite est supérieur à celui de l’Ukraine. En tous les cas, je ne suis pas pour Poutine et ne l’ai jamais été. J’ai contesté Zemmour qui voulait un Poutine français. Je suis épris de liberté, je suis pro-américain, j’ai prêté serment sur la Constitution américaine en tant qu’avocat, je la connais par cœur et je peux réciter la liste des présidents américains depuis Washington. Mais je ne veux pas de cette Ukraine-là dans l’UE, je pense que la Crimée est russe et que pour le Donbass, ils peuvent trouver une solution raisonnable.

Je n’ai pas envie que le conflit déborde en Europe, car le risque d’une troisième guerre mondiale est réel. L’Europe s’est déjà suicidée deux fois, elle n’a pas besoin de se suicider une troisième fois, pour le Donbass et en plus pour un régime qui ne m’est pas sympathique.

Mars 2023 – Causeur #110

Article extrait du Magazine Causeur




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est historien et directeur de la publication de Causeur.

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