Accueil Économie Retraites: la France peut-elle encore se payer le luxe de ce faux débat?

Retraites: la France peut-elle encore se payer le luxe de ce faux débat?

L’économie française est corsetée et notre démographie inquiétante


Retraites: la France peut-elle encore se payer le luxe de ce faux débat?
Manifestation à Lille, réforme des retraites, 11 mars 2023 © Michel Spingler/AP/SIPA

La réforme du gouvernement, décriée par la gauche française, est en réalité une réforme de centre-gauche de circonstance qui permet de maintenir un système de retraites par répartition sacré. Pendant que nous regardons passer dans les rues ceux qui défendent leurs régimes spéciaux en braillant, nous ne nous préoccupons ni de notre démographie préoccupante, ni de créer des richesses.


Savez-vous combien de réformes des retraites ont été menées ou tentées au cours des trois dernières décennies ? Cinq d’envergure, sans compter les nombreux aménagements et rapports qui sont intervenus quasiment tous les ans durant la période. Après avoir reçu le livre blanc des retraites en 1991, Michel Rocard s’était écrié qu’il y avait là de quoi « faire sauter plusieurs gouvernements ». La suite lui donna raison. Les gouvernements de droite comme de gauche – on se souvient de la réforme Touraine de 2014, qu’Emmanuel Macron poursuit d’ailleurs en 2023 dans cet étrange jour sans fin qu’est la politique française – se sont tous cassés les dents sur ce totem absolu de la France d’après-guerre : la retraite par répartition.

Maudite pyramide!

Pour un gouvernement, s’attaquer aux retraites fait figure de crash test et d’étape obligée pour passer à la postérité, à l’issue d’une lutte homérique contre les syndicats, la rue, les oppositions parlementaires et l’opinion publique. Reste la réalité, aussi cruelle qu’implacable. La population française vieillit inexorablement. Aujourd’hui, un Français sur quatre a plus de 60 ans. Dans moins de 20 ans, la situation sera encore plus périlleuse, puisqu’un tiers de la population aura alors dépassé « l’âge de la retraite ». S’il serait bien évidemment réducteur de ne penser la question des pensions de retraites qu’à l’aune de la pyramide des âges, des approches basées sur les générations ou les secteurs d’activité ayant aussi une certaine pertinence, ignorer le double effet de la dénatalité et de l’allongement de la durée de la vie sur l’économie et le travail serait suicidaire.

A lire aussi: Démographie: alerte rouge sur les naissances

Certains chiffres ne mentent pas. Il est tout de même éloquent de constater qu’en 1950 le pays comptait quatre actifs pour un retraité quand il n’y en même plus deux pour un actif de nos jours. Confrontés comme nous aux mêmes problématiques, parfois dans des proportions encore plus dramatiques, nos voisins européens ont dans leur très grande majorité décidé de reculer l’âge moyen des départs en retraite. Les Français partent aujourd’hui à 62 ans – c’est-à-dire un peu plus tard qu’à l’âge légal fixé à 60 ans depuis l’arrivée au pouvoir de François Mitterrand, contre 65 ans en Espagne, 65 ans et 9 mois et bientôt 67 en Allemagne, ou encore 67 ans aussi en Italie.

En réalité, une réforme de centre gauche

Au fond, la question n’est donc pas de savoir s’il faut repenser les retraites pour pouvoir les financer dans deux décennies, mais plutôt comment le faire et quand. Etait-il nécessaire à Emmanuel Macron de réformer le système des retraites maintenant alors qu’elles sont toujours financées et que les caisses ne sont pas vides – ou plutôt ses modalités, puisque dans le fond la philosophie du système par répartition n’est absolument pas remise en question par ce projet de centre-gauche ? Politiquement, ce n’est jamais le bon moment. Economiquement, c’est toujours le bon moment. Malheureusement, nos dirigeants manquent d’imagination. La seule idée qu’ils savent trouver pour résorber le déficit budgétaire à venir est l’allongement de la durée du travail. C’est un début… insuffisant. 

A lire aussi: France qui bosse, France qui glande

Oh, il est certain que cela vaut mieux que les délires démagogiques de l’extrême-gauche populiste et de certains syndicats arcboutés sur leurs acquis comme des moules à leur rocher, jaloux de leurs régimes spéciaux et des divers avantages que leur valent leurs corps de métiers ou leurs fonctions. En suivant le raisonnement de la Nupes, il faudrait partir à la retraite plus tôt tout en encourageant les jeunes Françaises à ne plus faire d’enfants pour sauver la planète et en empêchant les travailleurs d’économiser en renforçant un peu plus la dictature fiscale qui tient lieu de discours social à ces statolâtres maladifs. La question de la capitalisation n’a ainsi pas été abordée, ou uniquement avec des trémolos dans la voix pour nous expliquer que les fonds provoqueront la ruine des assurés, alors même que la retraite additionnelle de la fonction publique financée par capitalisation affiche un rendement de 5,6 % après avoir traversé les subprimes et le Covid.

Viens voir maman…

La vérité est que les retraites sont un sujet important, mais certainement pas le cœur des difficultés présentes et à venir de ce beau pays qu’est la France. Que la dette soit devenue la modalité de financement des retraites comme des aides qui permettent à de nombreux concitoyens de tenir encore le choc est aussi malsain que pervers, enchainant notre pays à un impôt dont les taux seraient confiscatoires même si tout tenait encore la route. Or, personne ne fait même mine de vouloir s’attaquer à cette prison financière qui nous paupérise, qui entraine notre déclassement, qui a largement contribué à notre déclin industriel et qui provoque l’exil de nombreux jeunes Français productifs souvent remplacés par une immigration peu qualifiée venue profiter de la proverbiale générosité de l’Etat français.

A lire ensuite: Immigration et démographie urbaine: les cartes à peine croyables de France Stratégie

À l’image de la « mère trop aimante » du psychanalyste britannique Donald Winnicott, maman France préfère maintenir ses enfants en état de dépendance et redoute l’émancipation de la classe moyenne qui entreprend, l’étouffant sous le coût des cotisations multiples et variées qui engraissent le veau d’or d’une solidarité dont l’excès provoquera l’effondrement. Ce que tous ces gens ne comprennent pas c’est qu’ils obtiendront absolument l’inverse de ce qu’ils espèrent : toujours moins de solidarité, toujours moins de prospérité. Pour financer les retraites de demain, il nous faut rééquilibrer la pyramide des âges, rendre leurs libertés économiques aux Français et créer de la richesse. Tout le reste sera voué à l’échec. 



Vous venez de lire un article en accès libre.
Causeur ne vit que par ses lecteurs, c’est la seule garantie de son indépendance.
Pour nous soutenir, achetez Causeur en kiosque ou abonnez-vous !

Article précédent Macron, le chauffard de la Vème
Article suivant Mehlemamba Ngidi, un Blanc devenu un jeune influenceur zoulou
Gabriel Robin est journaliste rédacteur en chef des pages société de L'Incorrect et essayiste ("Le Non Du Peuple", éditions du Cerf 2019). Il a été collaborateur politique

RÉAGISSEZ À CET ARTICLE

Le système de commentaires sur Causeur.fr évolue : nous vous invitons à créer ci-dessous un nouveau compte Disqus si vous n'en avez pas encore.
Une tenue correcte est exigée. Soyez courtois et évitez le hors sujet.
Notre charte de modération