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Manuel Valls, attaché de presse de Dieudonné ?


Manuel Valls, attaché de presse de Dieudonné ?

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Je n’avais aucune sympathie particulière pour Manuel Valls. Je pouvais apprécier, uniquement d’un point de vue technique, un certain savoir-faire depuis qu’il est à l’Intérieur et qu’il a décidé d’être le meilleur ministre de droite de ce gouvernement centriste. Cela fait longtemps, très longtemps que Manuel Valls n’est plus de gauche. Il est socialiste par opportunisme électoral et a misé sur l’alternance comme d’autres misent sur un cheval. Et, bien entendu, il n’a pas misé sur l’alternance entre la gauche et la droite mais sur le changement d’une équipe libérale et européenne sarkozyste par une équipe européenne et libérale hollandienne. Il a bien fait. Il a assez habilement choisi l’Intérieur. C’est un ministère où il faut mieux être de droite même quand on est de gauche sauf si on a l’envergure d’un Pierre Joxe ou d’un Chevènement et que l’on est d’abord républicain.

Manuel Valls, à l’intérieur, a fait du Sarkozy sans Sarkozy. Surprésence médiatique, roulage de muscle, désignation périodique d’un bouc émissaire à la population, en l’occurrence le Rom qui peut toujours servir. Pour la Semaine de la Haine, Valls vient d’abandonner le danger fondamental représenté par vingt mille nomades « inassimilables » et de désigner Dieudonné à la colère de la population.

Dieudonné pour une Semaine de la Haine, c’est une bonne idée car Dieudonné est haïssable. Autant les Roms vont mobiliser les bonnes consciences de la gauche sociétale qui représentent quand même des électeurs potentiels pour Hollande (et il en reste tellement peu), autant Dieudonné semble être surtout défendu par un conglomérat bizarroïde où la vieille extrême droite antisémite et une certaine extrême gauche antisioniste confondent leur haine même si à l’extrême droite on vous jurera la main sur le cœur qu’on n’a rien contre Israël et qu’à l’extrême gauche, on vous jurera qu’on n’a rien contre les Juifs.

Et puis qui aime Dieudonné, en fait ? On apprend en ces derniers jours de l’année que pratiquement 7% des français en âge de voter ne sont pas inscrits sur les listes électorales. Je ne sais pas pourquoi, mais j’ai l’intuition que ceux qui rigolent aux spectacles de Dieudonné, qui s’éclatent devant la logorrhée soralienne, qui plébiscitent par millions leurs vidéos sur Youtube n’ont pas de cartes d’électeur et n’ont même pas envie de voter pour le FN depuis qu’il est respectabilisé.

Tout cela, Manuel Valls le sait très bien. Dieudonné ne représente aucun risque réel, aucun trouble à l’ordre public, ce qui est la seule chose qu’un ministre l’Intérieur a le droit d’évaluer sur la question. C’est depuis des mois que Valls, en mettant au pilori Dieudonné lors d’un discours à l’université d’été du PS à La Rochelle, lui sert d’attaché de presse, lui ouvre un boulevard. C’est vraiment du Machiavel pour les enfants de cinq ans : comment ne pas comprendre que vouloir interdire ses spectacles, indiquer de manière très sarkozyenne que l’on est prêt à voter une loi de circonstance pour ce faire, c’est offrir la meilleure des publicités, c’est valider les thèses paranoïaques sur le complot du système, c’est accréditer l’idée que l’on peut s’attaquer à tout sauf aux Juifs ?

En fait, cette volonté de se faire Dieudonné indique surtout la panique de Valls qui sent que même son volontarisme ne va pas faire longtemps illusion, qu’il va sombrer avec ce gouvernement qui n’a plus prise sur rien, qui continue de manière surréaliste, à discourir sur du vent, à propos de l’inversion de la courbe du chômage. Tenez, on devrait recommander à une certaine jeunesse décérébrée, plutôt que de s’éclater sur Shoahnanas, de regarder la conférence de presse de Michel Sapin sur les chiffres du chômage : c’est beaucoup  plus drôle et beaucoup moins abject même si dans les deux cas ils prennent ceux qui les écoutent pour des cons.

Il ne s’agit même pas pour moi de défendre ici la liberté d’expression, même si je crois que tout doit pouvoir être dit dans une démocratie y compris ce qui est dangereux pour elle. Contrairement à Saint-Just, je veux de la liberté pour les ennemis de la liberté car c’est le seul moyen de les faire apparaître en pleine lumière et de leur retirer cette séduction sulfureuse pour les intelligences acnéiques qu’ont toujours ceux qui se présentent comme antisystème.

Non, il s’agit d’indiquer qu’en érigeant un amuseur sinistre en danger pour la République, Manuel Valls est un politique de notre temps : il parle de tout, sauf de ce qui fait vraiment problème, à savoir un naufrage économique et une régression sociale sans précédent.

*Photo : WITT/SIPA. 00671454_000023.



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