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Bon sens, mais c’est bien sûr!

Le président Macron prend les citoyens français pour des grands enfants


Bon sens, mais c’est bien sûr!
Le président Macron en déplacement à Rungis (94), 21 février 2023 © Blondet Eliot-POOL/SIPA

Selon la macronie, si les Français refusent la réforme des retraites, c’est parce que la « vulgarisation » des mesures a été trop soft. Opinion.


Je vous parle d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. En ce temps-là, sur l’unique chaîne de télévision de l’ORTF, le commissaire Bourrel annonçait au téléspectateur ébahi la fin du suspense en lançant, face caméra, cette formule reprise d’épisode en épisode: « Bon sang, mais c’est bien sûr… » Et de nous révéler dans la foulée la solution de l’énigme et tout ce qui aurait dû nous paraître évident si nous avions été un peu plus attentifs et doués d’une once de perspicacité. Monsieur le président de la République s’est efforcé à son tour, et toujours face caméra, de nous révéler ce qui pour lui ressortit à l’évidence. C’était voilà quelques jours à Rungis, dès potron-minet, à l’heure où blanchit la campagne. Il lui fallait bien parler retraite, réforme. Comment y échapper, en effet. On pouvait espérer une annonce, on dut s’en passer. Le président, tout de blanc vêtu, chapeauté de même, lança un appel à la nation. Rien de moins. «  J’en appelle au bon sens des Français » déclara-t-il, tant il est évident pour lui qu’il ne nous manque que cela, une étincelle de bon sens, pour adhérer de cœur et d’esprit à cette réforme, «  la mère des réformes », paraît-il. L’alpha et l’oméga de la France en Marche, le Graal de la startup nation chimiquement pure. Voilà donc le diagnostic présidentiel. Le peuple de France manque de bon sens. Un peu comme les enfants mal dégrossis, les attardés du cervelet, nous demeurons pitoyablement imperméables à l’évidence. Nous ne comprenons même pas qu’elle est conçue exclusivement pour notre bien, cette réforme. Rien de plus décourageant, à la fin, que de devoir sans cesse expliquer et ré-expliquer à ce peuple ce qui, encore une fois, relève du simple bon sens ! Un des proches du président, appelé à évoquer la mobilisation, toujours aussi forte, attendue le 7 mars a eu ce commentaire, lui aussi délicieusement empreint de condescendance et de mépris: « Nous n’avons pas assez vulgarisé notre message. » Vulgarisé ! Étrange choix sémantique. Vulgarisé et non expliqué, exposé, explicité, défendu, comme si, plutôt que de s’adresser à notre intelligence, de faire confiance à notre capacité de jugement, on aurait dû choisir de recourir à une forme de pavlovisation des masses. Cela s’inscrit bien dans la logique du pouvoir actuel. Monsieur Macron et les siens ont la manie de nous prendre pour des enfants. Involontairement ou non, ils nous relèguent à cet âge mental en permanence. Lorsque nous sommes en désaccord, c’est qu’ils n’ont pas poussé assez loin la « pédagogie », voilà leur ritournelle. L’étymologie même du mot suffit à exprimer, une fois encore, la condescendance et le mépris de l’approche. Le pire est qu’ils ne doutent pas un seul instant de leur jugement. Ils sont droits dans leurs bottes, comme on dit. Ils sont persuadés qu’avec davantage de « pédagogie », un peu plus de bon sens, une « vulgarisation » moins soft, voire stalinienne, personne ne songerait à descendre dans la rue ou à bloquer le pays. Personne n’irait jusqu’à pousser la débilité mentale jusqu’à émettre l’hypothèse que retirer une réforme si peu soutenue, si unanimement rejetée, ce serait justement cela, faire preuve de bon sens. Mais en haut lieu on n’en est pas là. Ces gens sont très savants, très futés. Pas encore assez cependant pour avoir compris que lorsque la base bloque, c’est parfois parce que le sommet débloque.

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernière parution : « Moi, papesse Jeanne », éditions Scriptus Malvas

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