Le ministre de l’Intérieur s’est récemment prononcé pour un retrait des 12 points du permis en cas de conduite sous stupéfiant. Amusant, car cela s’apparente à une dépénalisation de la drogue à bas bruit. Explications.
Fidèle à son mentor, Nicolas Sarkozy, Gérald Darmanin n’a pas manqué de rebondir sur le drame causé par Pierre Palmade. Outre l’inutile projet de création du délit d’« homicide routier », ce communicant retors en a profité pour envisager de supprimer les 12 points du permis de « toute personne qui conduit alors qu’elle a consommé de la drogue ». Simple et efficace ? Ni l’un ni l’autre a priori.
-6 points, un coup de semonce déjà dissuasif
Parier sur l’efficacité de la mesure, c’est s’imaginer que les millions d’utilisateurs de cannabis, cocaïne, MDMA ou ecstasy (liste non exhaustive) vont significativement baisser leur consommation. En revanche, c’est s’affranchir du palier de six points retirés – sanction actuelle et coup de semonce plutôt dissuasif pour ne pas s’y faire prendre deux fois. Au fil du temps, l’application résolue d’une telle mesure finirait par permettre de doubler le nombre de conducteurs sans permis (donc sans assurance) – un million aujourd’hui sillonnent les routes. Une ambition que l’on abandonnera à notre ministre de l’Intérieur.
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Quant à la simplicité de la chose, elle n’a rien d’évident. En effet, tout comme ceux de l’alcool, les effets des drogues se dissipent dans les heures qui suivent leur prise. En revanche, les traces laissées dans l’organisme n’ont pas la même durée de vie suivant le produit. On peut ainsi détecter l’alcool dans le sang seulement dix à douze heures après sa consommation, alors qu’il faut deux jours pour éliminer la cocaïne et une à trois semaines pour le cannabis. Ce dernier reste détectable dans les cheveux trois mois après l’écrasement du pétard (à côté du cendrier). On est pourtant, heureusement, et depuis longtemps, autant en état de conduire que celui qui s’était pris une cuite au même moment. Il conviendrait ainsi de définir le délai réaliste après lequel on aurait le droit de reprendre le volant – ça, ce serait une ambition fort légitime de nature à avoir une influence sur les consommateurs.
Il faut donc, comme pour l’alcool et ses 0,5 g/l, déterminer un seuil de détection en deçà duquel le conducteur ne sera plus considéré comme sous l’empire de la drogue. Amusant, car cela s’apparente à une dépénalisation à bas bruit. Ce n’est certainement pas ce que notre ministre avait en tête.