Maire LR du 6e arrondissement de Paris depuis 30 ans, Jean-Pierre Lecoq est une figure de l’opposition municipale. Mais il croit davantage en une opposition constructive qu’en une opposition frontale à l’Hôtel de Ville.
Causeur. Quand on sait ce que coûte l’organisation des Jeux Olympiques et quand on voit l’état dans lequel se trouve Paris, fallait-il se battre pour accueillir cet événement, et notre capitale va-t-elle en sortir gagnante – indépendamment des résultats sportifs ?
Jean-Pierre Lecoq. Je ne reprocherai pas à Mme Hidalgo de s’être battue pour obtenir les JO car Paris s’est doté ces dernières années de nombreuses installations sportives qui n’ont pas vieilli. Je pense au stade Charléty construit par Jacques Chirac, au stade de France, au parc des Princes qui a été rénové etc. À chacune de nos candidatures, il y en a eu plusieurs en vingt ans, nous avions déjà environ 80% de nos équipements. Et 2024 marquera le centenaire des JO de Paris de 1924, c’est un beau symbole. Ce qui n’était pas prévisible, c’est l’état de tension dans lequel se trouve le monde actuel : guerre en Ukraine, sortie de crise Covid, guerres asymétriques, tensions économiques etc.
Il n’en demeure pas moins que les JO de 2024 sont un rendez-vous absolument essentiel, d’autant que ce ne sera pas Paris qui jouera sa crédibilité mais la France.
Il faut donc la jouer collectif ?
Il faut bien sûr la jouer collectif ! Les Français sont par définition divisés, depuis de Gaulle et ses 365 fromages à Emmanuel Macron qui alimente les crispations à coup de petites phrases. Mais il est nécessaire que nous soyons unis pour ce rendez-vous. Cet événement nous placera sous les projecteurs du monde entier. Tous les responsables, politiques et autres, doivent en prendre conscience.
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Là où il est en revanche difficile d’avoir l’esprit d’équipe, c’est face à la vie quotidienne imposée aux Parisiens: chantiers permanents et absence de coordination, pistes cyclables tracées en dépit du bon sens… En tant que maire d’arrondissement, disposez-vous de leviers pour freiner les ardeurs de l’Hôtel de Ville ?
Vous mettez le doigt sur la politique la plus clivante à Paris – avec celle des logements sociaux –, la politique des « mobilités ». Je tiens à préciser que nous votons à l’unanimité, dans le 6e arrondissement, 90% des délibérations qui nous sont soumises. Sur la sécurité par exemple, il n’y a plus de clivage puisque la maire de Paris a enfin créé une police municipale. Le débat est désormais sur son armement ou non. On estime aujourd’hui que 10% des effectifs pourraient être armés, cela se fera peut-être dans le futur, mais c’est un point sur lequel il faut être prudent et patient : tout le monde n’est pas apte à porter une arme et des formations sont nécessaires pour ceux qui en ont la capacité.
Concernant les mobilités, Anne Hidalgo est dans la même situation qu’était Bertrand Delanoë durant son premier mandat. Il n’avait pas obtenu de majorité socialiste-communiste et a dû composer avec les Verts ; ce qu’il n’a pas eu à faire lors de son second mandat. Les communistes ne sont pas embêtants et sont pour les socialistes des alliés fidèles. En revanche, les Verts sont des alliés encombrants, infidèles et ingérables ! On voit bien à quoi ressemble la gestion des troupes écologistes au parlement. Tout cela n’est pas brillant et ils ont en plus des totems. L’un d’eux est l’automobile – qu’ils veulent faire disparaître – et un autre est le vélo – qu’ils veulent imposer à tous. Les Verts aujourd’hui, c’est Pékin en 1966 ! Il ne manque que la casquette Mao… Plus sérieusement, il est une réalité indéniable : tout le monde veut respirer un air meilleur. Les centres-villes ont été décongestionnés, et il est heureux qu’ils ne ressemblent plus à ce qu’ils étaient dans les années 1970/80. Mais ce que je reproche à nos amis écolos, c’est d’être dogmatiques et sectaires. Même les adeptes du vélo ou de la marche à pied – c’est mon cas – peuvent avoir besoin d’utiliser une voiture pour une raison ou pour une autre. Il est invraisemblable de vouloir l’interdire.
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Et on voit bien que le vélo n’est pas sans danger…
Le vélo à Paris peut être dangereux. Dangereux à cause des autres cyclistes, des automobilistes, des piétons et c’est vrai qu’on assiste à un grand bazar. Il y a un travail à faire mais la majorité municipale, si inclusive, fraternelle, transversale et solidaire par ailleurs, concernant la rue et la chaussée, ne fait rien. Certains jours, on a vraiment l’impression que c’est la guerre civile ! Mais je suis optimiste car il me semble, depuis quelques semaines, que les vélos font plus attention aux piétons et aux voitures. Mais on en reparlera au retour du beau temps !
Au chapitre des mobilités qui fâchent, il y a aussi les trottinettes. L’Hôtel de Ville organise le 2 avril une votation « pour ou contre les trottinettes en libre-service ». La Mairie ne pourrait-elle pas y mettre fin d’autorité, comme elle l’a fait pour les Autolib’ ?
Bien évidemment ! Quand on est maire de Paris, et sur un sujet certes important mais qui s’ajoute à tant d’autres décisions qu’il faut prendre – social, urbanisme, sécurité etc. –, on doit assumer ses choix. D’autant qu’Anne Hidalgo nous dit quelle est sa position : en même temps qu’elle annonce cette votation, elle nous dit qu’elle est contre le maintien des trottinettes. Et David Belliard, son adjoint, en rajoute une couche en annonçant qu’elles sont très dangereuses et que lui aussi est contre. Il s’est passé avec les opérateurs de trottinettes la même chose qu’avec Airbnb : ils occupent le terrain et attendent de voir ce qu’il se passe. Airbnb a fini par être encadré à travers toute la France, mais la ville de Paris a attendu beaucoup trop longtemps pour réagir face à l’invasion anarchique des trottinettes – souvenez-vous de la pagaille des années 2018-2019. Elle a finalement apporté une réponse intelligente, mais tardive, en lançant un appel d’offre pour trois opérateurs et en créant, avec la collaboration des mairies d’arrondissements, des aires de stationnement. Et ça a plutôt été une réussite. Aujourd’hui, beaucoup de problèmes sont dus à des touristes qui abandonnent leur engin n’importe où. Au lieu d’une votation, Anne Hidalgo aurait dû mettre fin aux concessions pour, ensuite, renégocier avec les opérateurs un encadrement strict, telle que l’immatriculation des trottinettes, l’obligation pour l’utilisateur de présenter une assurance, l’obligation du port d’un casque et l’interdiction aux mineurs de moins de 16 ans. Nous vivons une situation qui est un mélange d’aveu de faiblesse et de lâcheté politique.
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