Qui n’est pas rentré une fois dans sa vie au volant de sa voiture en bordée noire d’une nuit blanche en faisant un écart à gauche? Où, protégé à ce moment précis par, un ange, le destin ou le Dieu des ivrognes, n’a pas eu face à sa calandre un précipice, un mur, un platane ou pour le pire, un ou des êtres vivants. Apparemment, à part moi personne. Alors la Justice, sensible à une opinion surchauffée, jette le cadavre vivant d’un malade du nom de Palmade au cachot. Mais les chiens ne rentrent pas à la niche pour autant. Quant aux palmipèdes courage fuyons.
L’opinion, définition. Masse anonyme élevée au lait de chèvre et à la Bible, peuplée de gentils p’tits Mickeys qui « sont sondés, ont voté, n’ont jamais fait de chèques en bois, passent en courant au Bois mais jamais pour ce que l’on croit, pour prendre l’air…” (Claude Moine)
La presse, les réseaux sociaux, la Justice. Ces trois piliers de la société contemporaine se sont retrouvés sur un tronçon de ligne droite de Seine-et-Marne en plein hiver. Pour y installer le plus grand camp de naturisme d’Europe. Les Français veulent savoir, prière de laisser votre pudeur et votre raison au vestiaire.
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La presse fournit le matos. Du lourd. Avocats (et pas que de Droit routier), magistrats à la retraite partants pour une pige (surtout si c’est la télé), politiques mis à la retraite par les électeurs (tant qu’il reste la télé), psychiatres addictologues et autres médecins (accros à la lumière), drogués rechapés (devant les stups ça a du balancer), j’en passe et des pires. Tout ce beau monde a mis fin à la guerre en Ukraine, éteint la grogne sur la réforme des retraites et rempli les frigidaires vidés par l’inflation. Même LCI, co-belligérant dans le Donbass depuis un an, s’est soumis à l’inextinguible soif de Missel de la Route en envoyant ses généraux sucer des glaçons en maintenance. “Né viable et vivant” à 22h18 déclaré mort à 22h51. Comble du morbide une chaine balance le résultat de l’autopsie du fœtus avec cet encart de la gerbe. Comble de la putasserie une autre chaine réalise l’interview d’une famille qui a perdu un gamin percuté par un chauffard. Ils en veulent à Palmade d’avoir fait remonter des ténèbres leur cauchemar à la surface. Dernier verre d’huile de foie de morue pour la route, “ il est censé nous faire rire pas pleurer.” (sic) Portez-vous partie civile tant que vous y êtes!
Les réseaux sociaux le pathos. Que l’on soit d’accord. Ce papier n’est pas l’œuvre d’un fan. Je ne connais pas suffisamment son répertoire, je peux seulement écrire que “le scrabble” m’a amusé mais pour une sortie de route je préfère “l’auto-stoppeur” de Coluche. Sur les réseaux je serais bref, y étant étranger. Pas par mépris mais par non-attirance de misanthrope invétéré. Mais ne vivant pas non-plus dans un trou, les infos ont fait remonter à la surface les aboiements de haine d’une meute lancée à la vitesse du frelon asiatique dans la chasse aux pédés. Et quand l’enquête par médias interposés (c’est maintenant normal, admis et toléré) a évoqué les images pédopornographiques, la boucle était bouclée, son sort scellé, l’amalgame réalisé. Les mêmes réseaux retourneront leur veste quand il sera embastillé ou suicidé.
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La Justice. On la savait parfois dépendante au pouvoir en matière politique, politico-financière, sex and co-politico-financière. On la découvre hyper sensible à l’exigence d’exemplarité réclamée par l’opinion. Selon tous les avocats spécialisés en Droit routier, confrontés à l’horreur des accidents de la route où le drame provoqué par Palmade se produit peu ou prou tous les jours, avec des conséquences parfois encore plus dégueu, rarement ou jamais leurs clients ne reçoivent du Parquet (de par son appel), une telle facture. À plus forte raison s’ils sont d’authentiques malades. On peut aussi s’interroger sur la passivité du Parquet quand Palmade, via des interviews et une autobiographie, se déclarait être un danger potentiel. Allant même jusqu’à bénir le ciel de n’avoir encore écrasé personne. Pourquoi ne s’est-il pas auto-saisi afin qu’il ne puisse plus conduire?
Tout va bien. Maintenant que nous sommes à l’abri des agissements du nocif on fait sauter le verrou, on ouvre, on sort. Avec ou sans Palmade nos poumons respirent encore de l’hydrogène sulfurée. On a mis des barreaux autour d’un malade, on peut s’endormir tranquille. Pas au volant j’espère.
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