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Des cathédrales à Tiktok, un effondrement français

Disparition de l'agriculture paysanne, désindustrialisation, inflation normative, école: le travail dévalorisé


Des cathédrales à Tiktok, un effondrement français
A gauche, une enluminure des "Grandes Chroniques de France", XVe siècle. "L'empereur Charlemagne visite le chantier du palais d'Aix-la-Chapelle" © Bridgeman images. À droite, le tiktokeur français n°1, nicocapone.comedy, se met en scène avec sa femme, dans des vidéos comiques. Capture d'écran Tiktok @ nicocaponecomedy

Notre pays a bâti son destin sur le labeur. Durant des siècles, les Français ont été libres de développer leur intelligence pour travailler. Mais depuis des décennies, nos élites liquident l’industrie et l’agriculture, favorisent une bureaucratie qui décourage le travail et accompagnent le désastre de l’École. Quant à nous, nous sommes devenus un peuple de consommateurs.


Si la France est le pays touristique le plus attractif au monde et qu’elle polarise une immigration mondiale qui la dépasse – malgré la crise sociale qui la frappe –, c’est que le labeur millénaire de millions de Français a construit et forgé un magnifique pays. En dépit des dégradations récurrentes contre sa nature et ses patrimoines au long du xxe siècle, et de l’insouciance de ses habitants, la France demeure belle parce que des générations de travailleurs l’ont dessinée.

Paris ne s’est pas fait en un jour

Après chaque guerre ravageuse, dont nos élites ne furent pas avares, le labeur d’une génération, puis de la suivante a restauré, reconstruit et agrandi un exceptionnel patrimoine : villes et villages, églises et cathédrales – toujours à rebâtir –, marchés et châteaux, bocages et openfield, champs en terrasses des vallées de montagnes, canaux et ports, stations balnéaires et bien sûr Paris, l’atout maître, entièrement reconstruite au xixe siècle. Paris ne s’est pas fait en un jour.

La France d’avant comptait deux sortes de travailleurs : ceux du quotidien et de la répétition, ces paysans durs à la tâche, et les artisans et ouvriers, dans l’attente de leur chef-d’œuvre, aboutissement de toute une vie. Les plus prestigieux avaient fait le tour de France, voire d’Europe. Artistes, artisans ou ouvriers, ils ont, depuis le Moyen Âge, porté à leur plus haut l’excellence, la beauté et l’ingéniosité, sous la houlette d’architectes et de bâtisseurs.

Des générations durant, des millions de Français ont vécu de leur travail et pour leur travail, souvent en famille, en village, en corporation, par quartier et toujours de père en fils et de mère en fille. À l’écoute de la Bible, et suivant leurs ancestrales coutumes, les plus modestes aux champs et les plus ingénieux à l’atelier, les plus artistes dans leur métier, ils consacraient leur existence au labeur. Sans question ni remords. La Révolution française, en libérant le travail et le capital, a fait exploser les potentialités et l’inventivité longtemps contenues. Lors de la deuxième révolution industrielle (1880-1930), la France a pris la tête de l’innovation technique en Europe et dans le monde. Notre passé historique est donc lourd en matière de travail. Il n’est pas fortuit qu’après sa Révolution, la France ait autant contribué à l’invention du libéralisme que du socialisme : les deux voulaient pousser toujours plus loin la création de richesses, érigeant la production en quasi-religion.

Les choses ont bien changé en trois générations depuis 1945. La première génération, aujourd’hui disparue, a rebâti une France dévastée et a porté la France à l’acmé de sa puissance


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Février 2023 – Causeur #109

Article extrait du Magazine Causeur




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Pierre Vermeren est historien et professeur des universités ; il est l’auteur de La France qui déclasse : de la désindustrialisation à la crise sanitaire (« Texto », Tallandier, 2020) et L’Impasse de la métropolisation (« Le Débat », Gallimard, 2021).

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