Pas sûr que l’offensive du prince Harry et de son épouse contre sa famille ébranle la Couronne d’Angleterre. En bon rejeton de la génération woke, le petit dernier déballe un récit victimaire et porte des accusations incohérentes. Autobiographie et interviews sont un business profitable. Reste que le système Sussex est fragile.
« Ceci tuera cela ». Le livre que vient de publier le prince Harry, Le Suppléant, peut-il ébranler les fondements de la monarchie britannique ? Au cours de ses plus de mille ans d’existence, la couronne en a vu bien d’autres. Un premier roi de tous les Anglais, Æthelstan, a émergé au xe siècle. Depuis, la monarchie s’est maintes fois renouvelée en faisant appel à des étrangers : Guillaume le Normand en 1066 (monarque légitime du pays, selon le testament du roi Édouard le Confesseur), le Gallois Henry Tudor en 1485, l’Écossais Jacques Stuart en 1603, le Hollandais Guillaume d’Orange en 1689 et le Hanovrien George en 1714. Le trône a été perturbé par des luttes dynastiques sanglantes : l’ainsi dénommée « Anarchie » entre 1138 et 1153 ; la guerre de Cent Ans qui, de 1337 à 1453, a mêlé l’Angleterre à la rivalité entre les Plantagenêt, prétendants au trône de France et les Valois ; et la guerre des Deux-Roses qui a suivi, de 1455 à 1487. Il y a même eu un interlude républicain, entre 1649 et 1660, à la suite d’une guerre civile entre le roi et ses parlementaires. Un monarque, Richard II, a été déposé et probablement assassiné ; un autre, Charles Ier, a été exécuté après un procès. Son fils, Jacques II, a été chassé. Enfin un roi, George III, est devenu fou. Plus récemment, il y a eu les scandales, matrimoniaux et autres, des enfants d’Elizabeth II. Pour survivre à toute cette turbulence, la couronne a dû faire preuve d’une belle résilience. Elle a rarement perdu cette aura magique si essentielle au fonctionnement de l’État britannique. Selon l’ouvrage de référence de Walter Bagehot, The English Constitution, de 1867, la monarchie joue un rôle central en parlant à l’imagination des citoyens tandis que le Parlement parle à leur raison. Pourtant, une telle longévité n’est pas une garantie de survie. La mystique séculaire de la couronne résistera-t-elle à l’hypermédiatisation moderne qui caractérise l’offensive hostile de Harry et Meghan ? À l’ère numérique, le mystère de la royauté ne risque-t-il pas d’être dissipé durablement par toutes les accusations formulées par le duc et la duchesse de Sussex dans leurs entretiens télévisés, leur documentaire Netflix et l’autobiographie de Harry ?
La machine à simulacres
Les monarques anglais ont compris tôt que, pour exercer le pouvoir, il faut maîtriser les apparences et impressionner par le spectacle. À chaque époque, son média.
