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Potion triste

Un billet de Dominique Labarrière


Potion triste
D.R. couverture tronquée du premier Astérix, "Astérix le Gaulois", Uderzo et Goscinny, éd. Albert René.

Et vous, vendredi soir, vous allez voir « Astérix » ou « Vaincre ou mourir », au cinéma?


Dans notre France désabusée et déclinante, même Astérix et Obélix en viennent à manquer d’allant. Ils ont le souffle court et le cœur n’y est plus. On sent le désenchantement. Obélix ne distribue plus ses baffes avec la même alacrité ni ne dévore le sanglier avec la même insatiable et joviale gourmandise. Astérix et lui s’éprennent de la belle captive au point qu’on se demande si la potion magique n’a pas viré philtre d’amour pour ados attardés. En fait, tout cela manque de Romains. Le tonique argument de la résistance villageoise contre la marée invasive fait cruellement défaut. C’est pourtant là qu’il faut chercher l’ADN de l’œuvre géniale de Goscinny et d’Uderzo. En 1959, lorsqu’ils donnent vie à leurs héros de la castagne, dont le seul credo est de bouter les légions romaines hors de leur chez-soi, la Résistance contre ce qui envahit et occupe est encore une notion positive, noble et enthousiasmante dans les esprits et les cœurs. Aujourd’hui, là où on pense comme il faut et où l’on sait ce qu’il convient ou non de montrer aux braves gens, on préfère sans doute éviter de se référer à ce qui – allez savoir ?- risquerait de donner des idées à ce même bon peuple, d’entretenir chez lui une once d’esprit de clocher mâtiné de velléités de révolte. On s’en gardera donc bien. Coïncidence, l’esprit de résistance se trouve incarné à l’écran ces temps-ci par un autre héros, M. de Charette, le Vendéen magnifique. On se prend à regretter que celui-ci n’ait pas eu à disposition quelques tonnelets de potion magique, qu’il n’ait pas eu pour copains de combat nos deux Gaulois immortels. Mais voilà, M. de Charrette, son glorieux sacrifice, sa résistance d’âme, de cœur et d’esprit sont boutés, eux, hors des salles du cinématographiquement correct. On comprend mieux dès lors pourquoi cet ersatz d’Astérix – de bien fade potion – produit à très grands frais, tourne le dos à l´ADN évoqué plus haut et se délocalise en Chine, loin, bien loin de nous. Mais puisque Chine il y a, on se prend à regretter aussi que M. de Charette n’ait pas été chef de guerre Ouïghour. Libé, Télérama et consorts en auraient fait des tonnes. Triomphe  intello-bobo garanti ! Peut-être, mais – par Toutatis ! – on préférera de beaucoup le plaisir canaille de fronder les beaux esprits en allant voir le film, « Vaincre…ou mourir ».

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Ex-prof de philo, auteur, conférencier, chroniqueur. Dernières parutions : "Marie Stuart: Reine tragique" coll. Poche Histoire, éditions Lanore. "Le Prince Assassiné – le duc d’Enghien", coll. Poche Histoire, éditions Lanore.

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