Le 25 janvier 2023, le Marocain Yasin Kanza a attaqué l’église de La Palme, à Algésiras, et tué le sacristain Diego Valencia qui tentait de le raisonner. L’assassin avait déjà été expulsé de Gibraltar en 2019. Cet attentat ravive les polémiques dans les partis politiques espagnols quant au rapprochement à faire ou non entre islamisme et immigration.
Attaque en plein cœur de la cité
Peuplée d’environ 122 000 habitants, la ville espagnole d’Algésiras, située dans la province de Cadix (Andalousie), fait généralement peu l’actualité nationale outre-Pyrénées. Ce mercredi 25 janvier 2023, cependant, elle a défrayé la chronique en raison d’une attaque de nature terroriste perpétrée par un certain Yasin Kanza. Il a en effet tué un homme et blessé quatre autres personnes.
La scène a eu lieu vers 19 heures, au sein de l’église de La Palme, où l’assassin a pénétré alors que s’achevait la cérémonie de l’eucharistie. Il a renversé des images pieuses, des crucifix et des cierges puis s’est mis debout sur l’autel. Lorsque le sacristain du temple, Diego Valencia, a demandé au terroriste de descendre et de partir, il s’est dirigé vers lui pour lui ôter la vie. Yasin Kanza a ensuite quitté les lieux puis a été maîtrisé dans la rue par des agents de la police locale, qui l’ont remis à leurs collègues de la police nationale.
L’enquête policière
Le domicile du tueur, qui se trouve non loin de l’église en question, dans le cœur historique d’Algésiras, a été fouillé par une brigade spécialisée en terrorisme. C’est que l’homme, s’il n’avait pas d’antécédents judiciaires, était étroitement surveillé depuis quatre jours. Son comportement paraissait de plus en plus suspect aux yeux de la police, qui n’a toutefois pas pu l’empêcher de passer à l’acte – acte durant lequel il n’a pas fait mystère de ses motivations fondamentalistes.
D’origine marocaine, Yasin Kanza vivait illégalement en colocation avec deux autres hommes mais résidait malgré tout sur le territoire espagnol. Expulsé de Gibraltar en 2019, il s’est ensuite installé chez notre voisin pyrénéen, où une procédure administrative d’expulsion a été mise en œuvre contre lui. L’actuelle législation espagnole en la matière est lente lorsqu’il s’agit d’étrangers en situation irrégulière n’ayant commis ni crime, ni délit – et, dans ce cas de figure, la justice ne peut les placer en détention préventive. Selon ses colocataires, Yasin Kanza avait un comportement de plus en plus inquiétant et dangereux : il consommait de la drogue, avait des accès de paranoïa et avait déjà menacé les autres habitants de l’appartement. Son état semblait empirer au cours des derniers jours, puisqu’il affirmait voir le diable en apparition.
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Les forces de l’ordre cherchent encore à déterminer s’il s’agit d’un loup solitaire ou s’il a récemment rejoint une organisation terroriste. C’est ce qui explique que son incarcération ait été prolongée avant qu’il ne soit remis aux mains de la justice.
Une rapide polémique idéologique
Il n’aura pas fallu longtemps aux médias espagnols pour s’emparer de l’affaire et lancer des polémiques à son sujet – d’autant que les réactions politiques ont été conformes à ce que l’on pouvait imaginer. D’un côté, la droite « radicale » de Vox soutient qu’il s’agit d’une preuve supplémentaire du caractère néfaste de l’immigration incontrôlée, tandis que la droite classique du Parti populaire (PP) veut prendre ses distances avec une semblable thèse. Son président, Alberto Núñez Feijóo (qui est aussi chef de l’opposition à l’actuel gouvernement de gauche), souhaite en effet dissocier les deux phénomènes – islamisme et immigration.
De l’autre côté, la coalition de gauche « radicale » Unidas Podemos se montre discrète à ce sujet, d’autant que le gouvernement dont elle fait partie exécute moins de 3 % des ordres d’expulsion qui lui sont confiés. Le ministre de l’Intérieur, le socialiste Fernando Grande-Marlaska, s’est donc vite retrouvé sous le feu des critiques. D’ailleurs, la presse de droite ne s’est pas privée de rappeler que 95 % des immigrés clandestins sous le coup d’une mesure de départ forcé restent sur le territoire national.
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Ni le président du cabinet en place au niveau national, Pedro Sánchez (Parti socialiste ouvrier espagnol), ni aucun ministre n’a fait le déplacement pour les obsèques de Diego Valencia, ce qui traduit la gêne que suscite l’événement chez beaucoup. Le PP exige désormais la tenue d’une nouvelle réunion du pacte transpartisan anti-terrorisme, alors que 79 djihadistes sont déjà emprisonnés outre-Pyrénées. Une ambiance de pré-campagne électorale règne clairement en Espagne car un scrutin régional et municipal devra avoir lieu en avril-mai prochain, tandis que les élections générales se dérouleront à la fin 2023. L’attentat d’Algésiras marque par conséquent un pas de plus dans la polarisation idéologique du pays.
Une ville au contexte particulier
Quant aux médias espagnols, ils s’intéressent à Algésiras, célèbre pour sa conférence coloniale de 1906, ses bâtiments de style Belle Époque, son caractère cosmopolite de longue date… mais aussi son déclin économique sur les dernières années, dans un cadre difficile pour une bonne partie de la province de Cadix. Dirigée par un maire issu du Parti populaire (José Ignacio Landaluce) depuis 2011, la commune vit aujourd’hui le défi de l’intégration d’une partie de ses habitants étant donné que des ressortissants de près de 120 pays vivent sur place. Plus de 8,3 % des citoyens d’Algésiras sont des étrangers qui y résident légalement. Même si les locaux ne manifestent généralement pas de méfiance à leur égard, l’attentat du 25 janvier créera peut-être des tensions. Le taux de chômage élevé dans la ville (il atteignait 27,64 % de la population active en décembre 2022) ne contribuera pas non plus à améliorer les choses.
En attendant, les réactions partisanes se poursuivent. La fédération andalouse de Vox a ainsi demandé au gouvernement régional (dirigé par la droite classique de Juan Manuel Moreno) d’éliminer toutes les aides qu’il verse aujourd’hui aux immigrés illégaux. De quoi chauffer l’ambiance avant les prochaines échéances électorales…
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