Obsédés par eux-mêmes, nombre de jeunes se complaisent dans une culture de la thérapie qui explique et excuse en termes pseudo-scientifiques leur paresse, leur susceptibilité, leurs vulnérabilités, jusqu’à leur peur de la fin du monde. Et au lieu de se prendre en main, ils chougnent sur TikTok.

Capture d’écran de TikTok, avec le hashtag #ADHD. L’application permet aux annonceurs de cibler les jeunes utilisateurs qui croient souffrir d’un trouble du déficit de l’attention.
La dernière fois que j’ai enseigné dans une université anglophone, c’était pendant la première phase de la pandémie. Mon cours portait sur le traitement des actualités par les médias, et j’ai été surpris quand on m’a transmis la requête d’une étudiante qui demandait que l’examen final ne comporte aucune question sur le Covid-19, puisque ce sujet serait « trop stressant ». Dans son message d’origine, destiné à une secrétaire, l’étudiante ajoutait qu’elle allait s’isoler et se couper de toutes les sources d’information afin de « protéger sa santé mentale ». Au moment où la société combattait un virus inconnu, où des patients luttaient pour leur vie – et que certains la perdaient –, une partie de la jeunesse trouvait parfaitement normal et légitime de se retirer dans une bulle protectrice, à l’abri de cette réalité désagréable. Voilà de quoi justifier l’insulte « snowflakes » (« flocons de neige ») dont les gens plus âgés qualifient les jeunes de la génération Z, nés entre 1997 et 2010, considérés comme trop émotionnels, psychologiquement fragiles, glandeurs, facilement offensés, ne supportant pas la contradiction et imbus d’un sentiment de « tout m’est dû ». À cette insulte, courante depuis 2016, les jeunes ripostent à leurs aînés, nés entre 1945 et 1964, par l’exclamation « OK boomer ! » (« Ta gueule, papi ! »). Certes, les conflits intergénérationnels ont toujours existé : au Ve siècle avant J.-C., Les Nuées d’Aristophane opposent un père travailleur, économe, vertueux, à son fils paresseux, dispendieux, égoïste et adonné à des vices.
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Pourtant, si on regarde les vidéos postées par les jeunes de toutes les nationalités sur TikTok, la plateforme chinoise comptant plus de 1,2 milliard d’utilisateurs actifs, on trouve un monde bizarre où les individus rivalisent pour attirer l’attention générale en se travestissant en animaux de fantaisie, se déguisant selon la « fluidité » de leur « genre », se lamentant de la destruction imminente de la planète et se présentant comme affligés de troubles mentaux dont la
