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C’était écrit: Zola et Barjavel chez EDF

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C’était écrit: Zola et Barjavel chez EDF
Le palais de l'Electricité à l'Exposition Universelle de Paris, 1900. Photo: D.R.

C’était écrit, la chronique de Jérôme Leroy


« Et, dans ce jour mal éteint encore, s’allumaient, une à une, des lampes électriques, dont les globes d’une blancheur opaque constellaient de lunes intenses les profondeurs lointaines des comptoirs. C’était une clarté blanche, d’une aveuglante fixité, épandue comme une réverbération d’astre décoloré, et qui tuait le crépuscule. Puis, lorsque toutes brûlèrent, il y eut un murmure ravi de la foule, la grande exposition de blanc prenait une splendeur féerique d’apothéose, sous cet éclairage nouveau. »

Zola, dans Au bonheur des dames, en 1883, décrit ainsi l’enchantement qui saisit la foule des premiers grands magasins. La fée électricité était si jolie quand elle était encore jeune ! Cent quarante ans plus tard, ce qu’il est convenu d’appeler « la précarité énergétique » est plutôt un motif d’inquiétude, voire d’effroi.

Le merveilleux scientifique a tourné à l’horreur économique : quelques réacteurs nucléaires en maintenance, une guerre en Ukraine, des erreurs stratégiques de différents gouvernements et nous voilà confrontés au risque de coupures, qui vire potentiellement au cauchemar. Sur le site de BFM TV, on a ainsi pu trouver, début décembre, un inventaire à la Prévert des conséquences des « délestages » : ascenseurs et digicodes hors service qui transformeraient un retour au foyer en expédition à haut risque, mais aussi distributeurs de billets et métros bloqués ou respirateurs en rade pour les malades à domicile. Emmanuel Macron, pas content, a rappelé à l’ordre : « Nous sommes un grand pays, on a un grand modèle énergétique. Ce n’est pas le moment de faire peur aux gens avec des scénarios absurdes. »

À lire aussi : Electricité : renouvelables et pointes de demande

Notre président a-t-il songé au roman de Barjavel, Ravage, qui a tout juste 80 ans et qui imagine la France de 2052 (ça se rapproche) dans un black-out total et définitif, chose d’autant plus ennuyeuse que tout, absolument tout, y compris les coutures des vêtements, dans ce monde-là, dépend d’une seule technologie : l’électricité. La France de 2023, si fière de son « tout électrique » trouve là de quoi se faire peur…

Le héros de Ravage, François, croit d’abord qu’il s’agit de son disjoncteur, avant d’être obligé de constater la panne irréversible. On se croirait, parfois, dans une cellule de crise à l’Élysée, quand s’épuisent une à une toutes les solutions : « Qu’attendez-vous pour nous brancher sur notre groupe électrogène ? – Il est en panne, Monsieur. – Et le groupe atomique ? – Il est à plat. – Et les accus ? – Vides ! – Et les piles ? – Mortes ! C’était la catastrophe. »

Ce qui est amusant, c’est que Barjavel, après avoir décrit l’effondrement de la civilisation, fait ensuite l’apologie franchement pétainiste de la décroissance, nous indiquant par anticipation la généalogie de cette idée pas si neuve.

Alors, de grâce, rallumez la lumière !

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Janvier 2023 – Causeur #108

Article extrait du Magazine Causeur




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