Le dimanche 8 janvier, près de 4 000 manifestants ont investi les trois principaux lieux de pouvoir à Brasilia : le palais présidentiel du Planalto, le Tribunal Suprême Fédéral et le Congrès. Ces évènements de violence jusque-là inconnus au Brésil révèlent la profonde désunion qui règne dans le pays.
Dimanche 8 janvier au Brésil, près de 4000 manifestants ont passé les barrages d’une police militaire quasiment inactive pour arriver sur l’esplanade où se trouvent les trois principaux lieux du pouvoir brésilien, ont forcé les portes des bâtiments vides, et les ont saccagés. Arrivés la veille par dizaines de bus, ils réclamaient l’intervention de l’Armée pour réinstaurer la démocratie qu’ils estiment volée par Lula. Si les autorités brésiliennes n’avaient peut-être pas prévu le coup dimanche, elles avaient au moins anticipé ce genre d’évènement bien en avance, compte tenu de la rapidité et la précision de leur réaction.
Une question de légitimité
Au fond du problème se trouve la colère exprimée par une grande partie du peuple brésilien après l’élection contestée de Lula. L’ancien président socialiste avait exercé le pouvoir de 2003 à 2011 puis, ne pouvant se représenter, avait fait élire sa cheffe de cabinet, Dilma Rousseff. Accusé de corruption pour vente à prix réduit ou mise à sa disposition de biens immobiliers, condamné en appel à douze années de prison (2018), ses droits électoraux lui furent retirés. Il est finalement relaxé en 2019 après une pirouette juridique du Tribunal Suprême Fédéral (TSF), dont le rôle est de juger les élus, les membres du gouvernement et les militaires. Rétrospectivement, il apparaît que Lula a surtout couvert un large trafic de corruption d’élus pour obtenir leur soutien. Malgré ses six autres poursuites, le TSF rétablit ses droits de candidater à la présidence de la République, puis annule ses condamnations en 2021 (il reste encore quatre affaires mineures à juger).
En octobre dernier, les élections se déroulent dans un climat tendu. Attaqué par toute la presse de gauche, qualifié d’extrémiste voire de fasciste, Bolsonaro réplique tout aussi violemment dans ses discours, entraînant une hystérisation de la campagne. Affaibli par son étiquette de corrompu, mais fort d’un réel soutien populaire, Lula remporte l’élection d’une bien courte et contestée différence le 30 octobre (50,9%). En effet, les scrutins le placent 1 point devant son adversaire, Jair Bolsonaro (49,1%), soit la plus faible différence depuis la fin de la dictature militaire (1985). Au soir des résultats, le pays est déjà en ébullition. Nombreux sont les Brésiliens qui ont encore le sentiment d’une élection volée.
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Très mal élu, Lula n’a d’autre choix que de mener une politique de fraternisation pour tenter d’apaiser les tensions. Sa légitimité électorale étant contestée, en minorité au Congrès comme au niveau des gouverneurs, le nouveau président se trouve alors dans la pire position politique possible au lendemain de l’élection. Mais Lula est renforcé par le Tribunal Suprême Fédéral (TSF), instance constitutionnelle et judiciaire cruciale du système brésilien, dont 8 juges sur 11 lui sont acquis (dont 3 juges nommés par lui et 4 par Dilma Roussef).
Judiciariser le débat politique : une technique de la gauche sud-américaine
Lula ne peut que profiter de la situation. Sa légitimité démocratique jusque-là contestée se gagne en quelques heures. Dénonçant l’extrémisme des forces pro-Bolsonaro, il accuse le candidat du Parti Libéral d’être un « fasciste », dénonce un « putsch » organisé par les forces de droite, qualifie les évènements « d’actes terroristes », avec l’appui du TSF. En clair, il se présente comme…
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