L’auteur des 12 règles pour une vie et des 12 nouvelles règles pour une vie, défenseur de la jeunesse masculine et pourfendeur des wokistes, est sommé par l’Ordre des psychologues de l’Ontario de se soumettre à une formation à l’étiquette des médias sociaux. S’il refuse, il pourrait perdre sa licence de psychologue clinicien professionnel.
Le psychologue et philosophe canadien Jordan Peterson, ancien professeur à l’Université de Toronto [1], est depuis dix ans l’un des intellectuels anglophones les plus influents dans le monde. Révélé par ses cours et ses conférences ayant cumulé des millions de vues sur YouTube, ses livres sont des best-sellers traduits dans 45 langues et les télévisions des deux côtés de l’Atlantique se disputent des entretiens avec lui.
Il doit sans aucun doute son succès à son discours percutant et néanmoins bienveillant à l’égard d’une jeunesse complètement déboussolée.
Assumant un certain conservatisme modéré, il invite les jeunes nord-américains à mieux assumer leurs responsabilités et à donner la priorité à la construction d’une vie d’adulte solide et pacifiée. De nombreux jeunes hommes et jeunes femmes affirment que la philosophie de Jordan Peterson leur a quasiment sauvé la vie, en les sortant du chaos dans lequel ils s’étaient laissés entraîner par un environnement nihiliste.
Ne tirez pas sur le prof moqueur
Bien sûr, son discours politiquement incorrect n’est pas du goût de tous les étudiants des campus américains, en particulier les plus radicalisés, qui voient dans sa défense des valeurs traditionnelles une propagande réactionnaire et sexiste. Certains de ses cours et conférences ont été véritablement pris d’assaut et bloqués par des jeunes militants d’extrême-gauche, que l’on surnomme aux États-Unis les SJW (Social Justice Warriors ; les guerriers de la justice sociale). Une réalisatrice d’Hollywood, Olivia Wilde, s’est même inspirée de Peterson pour créer le méchant de son film : un professeur masculiniste à l’influence néfaste…
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Son éloquence exigeante, son empathie décomplexée et son calme à toute épreuve en ont rapidement fait l’un des adversaires les plus coriaces de l’Amérique ultra-progressiste devenue folle.
Très sévère depuis des années sur la destruction des valeurs fondamentales de l’Occident par le relativisme woke, le discours de Jordan Peterson s’est dernièrement durci contre la gestion de la pandémie par les autorités canadiennes et en particulier contre le chef de file charismatique de l’autoritarisme mièvre, le Premier ministre Justin Trudeau.
Pays autrefois connu pour sa tolérance et son esprit de liberté, le Canada est devenu durant la pandémie l’un des États les plus stricts et brutaux dans l’application des mesures sanitaires. Le confinement des lieux publics en Ontario aura duré 382 jours, soit l’un des plus longs au monde.
Jordan Peterson a très vite apporté son soutien au convoi des camionneurs canadiens se réunissant à Ottawa pour réclamer la fin des mesures liberticides. Il dénonce régulièrement et de manière virulente le mépris des élites mondialistes à l’égard des peuples qu’ils gouvernent.
Camp de rééducation pour prof réac
Il ne lui en fallait guère plus pour être dans la ligne de mire des petits soldats de la cancel culture. Son compte Twitter fut supprimé sous l’ancienne direction du réseau social pour un tweet critiquant l’irresponsabilité de l’actrice transgenre Ellen Page (devenue Elliot Page) faisant la promotion de son ablation des seins effectuée lors de son changement de sexe. Le compte fut récemment « rouvert » avec tant d’autres par l’équipe d’Elon Musk, fraîchement arrivée à la tête de Twitter.
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Les attaques proviennent à présent de son propre sérail: l’Ordre des Psychologues de l’Ontario, une faculté qui prépare à la licence de psychologie, menace Jordan Peterson de lui retirer la sienne s’il refuse de suivre (tenez-vous bien) une formation à l’éthique sur les réseaux sociaux… Une sorte de camp de rééducation pour intellectuels nouvelle génération, qui aura au moins l’avantage canadien d’être dans une pièce bien chauffée…
Les dernières prises de position de l’intellectuel médiatique ne sont visiblement pas du goût de l’institution qui lui a délivré sa licence et qui n’hésitera pas à détruire la carrière de Peterson d’une simple signature si d’aventure il décline leur formation au formatage. Ce dernier a reçu une lettre disciplinaire l’invitant à « revoir, réfléchir et améliorer son professionnalisme dans ses déclarations publiques ».
Les sociétés savantes nord-américaines continuent ainsi leur lente descente aux enfers, en courbant l’échine devant leurs membres les plus fanatisés et en adoptant une politique inquisitrice à l’égard des professeurs et praticiens sortant du cadre quand elles devraient, au contraire, promouvoir le débat, la contradiction rationnelle et la perpétuelle remise en question des idées reçues. Peterson a affirmé sur Twitter son « refus de se conformer », ce qu’il a fait en déposant une demande de révision judiciaire auprès de la Cour divisionnaire de l’Ontario. Si Jordan Peterson se voit retirer sa licence à cause de la virulence de ses opinions politiques, nous aurons autorisé l’Occident à censurer les intellectuels qui dérangent et à les rééduquer pour rentrer dans le rang. Pourra-t-on toujours parler d’Occident ?
[1] Peterson est parti à la retraite en 2021 mais garde le titre de professeur émérite.