Accueil Culture Adieu donc 2022 et salut à toi 2023

Adieu donc 2022 et salut à toi 2023

Nous ne croyons plus à un Occident éclairé, jouisseur et débridé, condensateur de promesses et d’ivresse...


Adieu donc 2022 et salut à toi 2023
Image d'ilustration Unsplash

Mes pensées de François Cevert à Jean-Pierre Montal, de Marie Dubois à Caroline Garcia, de Georges Conchon à Brigitte Lahaie.


Dans un pays qui criminalise la côte de bœuf persillée et bannit certains mots au Scrabble, il serait bien présomptueux d’afficher un optimisme béat et une foi immodérée dans l’avenir. Quant aux résolutions, depuis le tournant de la rigueur en 1983 et l’instauration des limitations de vitesse, nous ne croyons plus à un Occident éclairé, jouisseur et débridé, condensateur de promesses et d’ivresse. Nous sommes entrés dans l’ère des commentateurs et des instructeurs, des blouses blanches et des camisoles, des jaloux et des revanchards, des petits « moi je » aux grands lavages de cerveaux. Avec nos moyens modestes, rien que des mots, et malgré la camarilla des modérateurs, nous tenterons de résister aux gens sérieux et raisonnables, experts assermentés des plateaux, obturateurs du réel, critiques aveugles et sinistres rhéteurs. Ils n’auront pas notre liberté moqueuse et désespérée, ils n’atteindront pas notre dilettantisme souverain et notre nostalgie rêveuse. J’en fais le serment ici. C’est parce que nous refusons leurs leçons de rééducation que nous réussissons tant bien que mal à survivre dans cette société sous surveillance médiatique. Comptez sur moi encore cette année pour défendre les vertus du monokini, les abats à table, le beau jeu sur la terre ocre, les accélérations soyeuses en rase-campagne, les écrivains déclassés par l’Université, les acteurs morts, les mobylettes, les filles à lunettes, les « flight jacket », les trenchs froissés, la gaudriole et la gloriole salvatrices, toute ma quincaille désordonnée et puis cette fibre provinciale que l’on voudrait aujourd’hui assassiner. Cet esprit des recalés et des retardataires, des réactionnaires romantiques et des rigolos de bal musette, toute cette brocante désuète, j’en fais mon miel et ma langue. Mon sacerdoce, aussi.

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A tous les censeurs qui nous oppressent, je vous laisse à vos mégalopoles haineuses, votre télé ricaneuse, votre presse sous formol et votre volonté de détruire la moindre trace d’errance, de distance, de poésie bancale et d’humanité cabossée. Que voulez-vous, j’ai la mémoire des sous-préfectures pluvieuses et des œufs meurette de mon enfance, des klaxons italiens et des comices agricoles, des hommes politiques charpentés par l’Histoire, des comédiennes déchirantes qui ne quémandaient pas des like à la sortie de scène, d’une certaine ossature morale et du refus des conformismes. Mes idoles d’antan ne tombaient pas dans cette forme de démagogie égalitaire qui veut nous faire croire à la fin des différences et au talent équitablement réparti parmi la population. Mes stars avaient le respect du public, elles ne s’abaissaient pas à nous ressembler, à s’habiller comme nous, à vivre comme nous, elles acceptaient leur caractère supérieur, forcément inatteignable et sublime. Leur élévation nous portait plus loin. Au hasard des rencontres, nous avions parfois la chance de tomber face à l’une d’entre elles, nous perdions alors nos moyens. Le souffle coupé, les mains moites et la tête en fusion, nous osions les aborder, encore moins leur demander un autographe, nous nous estimions déjà assez chanceux d’avoir croisé leur chemin. Même si mon monde ne renaîtra jamais, si mes marottes sous naphtaline resteront au fond des greniers, j’émets quelques souhaits avant que nous basculions en 2023. Des vœux pieux, des désirs ardents, des témoignages d’estime, des anniversaires à célébrer, des espoirs également, des illusions peut-être. L’espoir, par exemple, que Caroline Garcia remporte un tournoi du grand chelem et que la Française imite, pourquoi pas, en juin prochain, l’exploit de Yannick Noah à Roland Garros, il y a quarante ans déjà. Elle a la confiance mentale, les coups déliés et la puissance physique pour y parvenir. Par ailleurs, je souhaiterais que la Cinémathèque organise une rétrospective Brigitte Lahaie avec des conférences d’Alban Ceray et de Richard Allan. Il faut absolument montrer aux générations montantes Parties fines de Gérard Kikoïne sorti en salles en septembre 1977 dont certaines scènes ont été tournées dans l’appartement de Jacques Séguéla, « au coin de l’avenue Paul-Doumer et du Trocadéro ». 2023 sera-t-elle enfin l’année où un documentariste inspiré s’emparera des inestimables carrières de la comédienne Marie Dubois et de l’écrivain Georges Conchon ? Nous ne parlons pas assez d’eux, cette injustice doit être réparée. Dans le même registre, il serait temps de primer ou de couronner de succès un roman de Jean-Pierre Montal, stéphanois écorché qui distille un détachement plein de larmes et d’allure. J’en profite, par ailleurs, pour souhaiter longue vie à l’émission du soir de Pascal Praud qui a (ré)inventé l’information-divertissement à mi-chemin entre « Benny Hill » et « Droit de réponse ». Et puis en 2023, nos pensées iront vers les cinquante ans de la disparition de Bruce Lee, Noël Roquevert, François Cevert et Jean-Pierre Melville sans oublier les cent ans de la naissance de Bettie Page, Jean-Marc Thibault et Roger Pierre. Chers lecteurs, bonne année !




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Journaliste et écrivain. À paraître : "Tendre est la province", Éditions Equateurs, 2024

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