Sophie de Menthon s’étonne que ce qui est accepté et appliqué avec succès dans le domaine du football, ne le soit pas dans les domaines de la politique et de la réforme de l’Etat.
Tous étaient contagieux et tous étaient atteints : la fièvre du ballon rond a gagné d’intensité jusqu’à la finale au point d’avoir besoin d’être soumis à un lavage de cerveau médiatique pendant des semaines ; on nous a tenu au courant heure par heure de tout ce qui pouvait avoir un rapport quelconque avec les matchs ; les droits de l’homme balayés par les droits du foot, sans vergogne. On a rangé les remords au vestiaire: « C’était avant qu’il eût fallût s’indigner, maintenant c’est tout bon ». Le président a même félicité le Qatar d’une si bonne organisation, on en est presque à trouver tout cela écolo et un modèle de ressources humaines… Nous avons tremblé à l’idée de la grippette qui gagnaient nos messieurs musclés, vulnérables comme sur le champ de bataille où ils se tordent de douleur au point que nous les croyons très grièvement blessés, frimant en espérant que l’on croit à la faute… jusqu’au moment où ils se relèvent en claudiquant pour ensuite sprinter brillamment (cela me fait penser à mon chien lorsqu’il fait semblant d’avoir mal). Des surhommes idolâtrés mais comme tous les hommes : fragiles (je n’ai pas dit douillés). Nous avons protesté comme dans une cour de récré quand un perfide du camp opposé fait un croche-patte et que le maître d’école (on appelle ça : arbitre) n’a même pas vu que c’était l’autre qui était coupable. On s’est agacés quand nos Bleus couraient moins que les petits hommes verts et rouges marocains, mais deux bons coups de pieds bleus ont été très efficaces, rien à dire, et Hop ! On gagnait la demi-finale. Et puis nous sommes terriblement sportifs puisque de l’aveu du ministre de l’Intérieur même « Beauvau muscle le dispositif pour la finale », si ce n’est pas rassurant ça !
Les chefs d’entreprise ont tous admiré le manager Didier Deschamps obéi par ses troupes au doigt et à l’œil ; notons que nous serions tous aux prudhommes si on gérait comme ça nos salariés et si on mettait un commercial sur le banc de touche pour en prendre un meilleur ! Même Macron lui a demandé des conseils au vestiaire, sachant que, comme ils se sont dit qu’il faut être avant tout un bon sélectionneur, en foot comme en politique, le président Macron en mettrait bien quelques-uns sur le banc de touche car certains ministres ont l’air de ne pas bien maitriser les « coups francs ».
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Le football dépasse tous les autres enjeux de société, faut-il s’en réjouir ?
Plus sérieusement, même lorsque nous savourons une victoire, ce qu’il y a de terrible, c’est que notre pays n’a le sentiment de « faire nation » que lors de matchs internationaux, c’est le nouveau vivre ensemble ! En revanche voter ne nous mobilise pas, la République n’est plus qu’un élément de langage politique et la nation serait composée, donc composée exclusivement de supporters… Une idée à méditer peut-être pour les partis politiques qui ne sont autres que des équipes rivales avec le 49.3 comme carton rouge.
Certes, la veille nous avons eu l’élection de Miss France, un autre défi intellectuel difficile à trancher et à déconstruire, et qui réunit les Français, au moins on ne se bat pas dans les rues après l’élection. Pourrait-on être populaires et unis sur des thèmes un peu plus prometteurs et valorisants ?
Il est vrai que le football est une possibilité de s’évader surtout pour des populations sous le joug d’une dictature et il y en a plus que l’on ne veut bien le croire.
Rien n’a donc changé : « panem et circenses », aujourd’hui pour les jeux ça va, mais c’est pour le pain que cela va être plus difficile. Des boulangers ferment et le prix de la baguette augmente, César maitrisait mieux la chose. Alors certes l’Argentine a gagné après une finale remarquable où nous n’avons pas eu à rougir des Bleus. Espérons que la France va enfin gagner les tirs au but de sa nécessaire réforme, quand faut y aller, faut y aller. Mettons de côté la déception, et franchement l’humanisme peut aussi faire cocorico et reconnaitre avec fair-play que ce pays avait besoin du trophée mondial plus que nous, il doit panser ses plaies : un choc inflationniste, la misère pour 7,5 millions de personnes, un mal que personne n’arrive à endiguer, alors si cette victoire est perçue comme une victoire divine pour eux, tant mieux… Il fallait s’en douter avec le Messi qui s’en mèle! Un beau cadeau de Noël qui devrait nous inciter à nous réjouir avec générosité et sans rien casser… Et là, on pourrait être fiers de la France, d’une autre façon.
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